L’ÉDITO DE THOMAS BONNEL
Dans un très récent rapport publié par l’Institut Montaigne (*), un constat nous interpelle : la santé et l’hôpital constituent un « défi important » pour 9 Français sur 10, qui en feront un « élément clé de leur vote à la présidentielle ». Un effet de la pandémie ? Sans doute en partie. Mais n’y voir qu’un événement conjoncturel serait négliger l’attachement profond des français, depuis 1946, à leur système de santé. Ils continuent à en être largement satisfaits (voir chiffres clés p. 6-7), tout en étant conscients que la gestion financière de l’Assurance maladie est loin d’être optimale : un avis partagé par plus de la moitié d’entre eux, selon l’étude ELABE-Malakoff Humanis « Les Français et le système de santé » (mai-juin 2021). Les débats récurrents sur le « déficit de la sécu » finissent par être entendus. Même si toute velléité de réforme provoque sans coup férir le réflexe pavlovien de la lutte pour la préservation des avantages acquis : ce qui est vrai pour la retraite l’est également pour le déremboursement de médicaments ou la baisse de certaines prises en charge.
Résultat : le statu quo a le vent en poupe. Toujours selon l’étude ELABE citée plus haut, près de 70% des Français préconisent le maintien du système actuel. Une impasse dont il est bien malaisé de sortir, a fortiori en année électorale… Et pourtant, il y a urgence.
Il faut dire que la France compte parmi les pays qui consacrent le plus de dépenses publiques à leur système de santé : près de 12% du PIB, soit plus de 200 milliards d’€ annuels. Mais celui-ci est de moins en moins adapté aux évolutions structurelles des besoins de sa population en la matière. Entre la baisse drastique du nombre de généralistes et la désaffection de la médecine de ville, au détriment de la prévention, la persistance de déserts médicaux, qui sont souvent aussi des déserts numériques, obstacle criant au développement de l’e-santé ou encore l’insuffisance des structures de prise en charge des personnes âgées, malgré le vieillissement maintes fois souligné de notre population, et une gouvernance nationale et territoriale qui se cherche, le navire prend l’eau de toute part.
La crise sanitaire a certes révélé les failles de notre système, mais elle a aussi rendu leur fierté aux personnels de santé, épuisés mais heureux de « pouvoir refaire de la médecine ». Elle a enfin suscité une prise de conscience : il est temps de passer d’un système de soins – hospitalo-centré et curatif – à un système de santé, global et préventif.
Désormais, l’heure n’est plus au constat, ni même aux discours, mais à l’action.
(*) « Santé 2022 : tout un programme », sous la direction de Mme Laure Millet