La santé, bien plus qu’une affaire de maladie
Prévenir, c’est agir sur tous les déterminants de santé, et responsabiliser les individus sur le fait qu’ils sont les meilleurs régulateurs de leur avenir.
Prévenir plutôt que guérir. La centralité du système de santé sur l’hôpital, le curatif et le soin ne résisteront pas longtemps aux effets de la mondialisation sur l’émergence de maladies infectieuses et sur le développement des comportements pathogènes. Nos sociétés ne peuvent plus faire l’économie d’une véritable culture de la prévention, visant une personnalisation prédictive du risque davantage encore que de la maladie. C’est ce que l’on désigne par un modèle en “4P” : personnalisé, préventif, prédictif et participatif. Le chantier est colossal, qui renvoie, notamment, à des sujets d’alimentation, d’urbanisation, de qualité de l’air, de pratiques physiques et culturelles.
Intelligence artificielle et mécanismes corporels
Cette conversion collective à la prévention ne se fera pas sans un investissement plus volontariste dans la recherche et l’innovation. L’intelligence artificielle, par exemple, ouvre de grandes perspectives. Grâce au deep learning, des chercheurs ont récemment identifié parmi 10 000 variables des indicateurs permettant de prédire avec une fiabilité de 90% la probabilité pour un individu de mourir dans l’année de mort subite, cause de 40 000 décès par an en France. Pourquoi ne pas imaginer, à partir des bases de données de l’Assurance maladie, des actions de dépistage à grande échelle des risques d’accidents vasculaires, donnant lieu à des actions de prévention adaptées aux personnes plus exposées ?
S’il ne fait pas de doute, le développement des technologies va bouleverser l’approche médicale, y compris dans ses aspects préventifs. La plus grande révolution en santé repose sans doute sur la prise de conscience du rôle de nos propres mécanismes corporels de régulation et prévention.
Une santé humaine pensée
de manière holistique.
Alors que le système de santé s’est construit sur la distinction entre santé et maladie, les progrès de la recherche nous font découvrir des facteurs de risques chez des individus en bonne santé apparente. Prévenir, c’est agir sur tous les déterminants de santé, médicaux comme non médicaux, pour déployer une approche transversale, tant sur le plan de la recherche que sur le plan politique. Une approche qui induit un système pensé pour la santé des bien portants autant que pour celle des malades. Tous les constats et recommandations vont à cet égard dans le sens d’une implication plus franche des citoyens-patients dans la prévention individuelle et collective. Cette responsabilisation implique qu’ils soient également davantage associés aux décisions concernant leur prise en charge.
One health : une et une seule santé
Le développement d’une conception holistique de prévention s’inscrit de plain-pied dans la promotion du concept de one health (en français, “une seule santé”). Formalisé au début des années 2000, il défend le principe selon lequel la santé humaine doit être pensée en relation avec la protection animale, végétale et la préservation de l’environnement, aux échelles locale, nationale et mondiale. Cette lecture est déjà mise en application en France par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), qui mène des travaux interdisciplinaires associant biologie, écologie, mathématiques, économie et sciences sociales et expérimente de nouveaux systèmes intégrant toutes les dimensions de la santé. D’ores et déjà adopté comme matrice de communication par plusieurs organisations internationales de santé publique, le concept de one health pourrait inspirer les futures stratégies de prévention en Europe et au-delà.