« La prévention est un travail collectif »
Constatez-vous une augmentation des aléas agricoles d’origine climatique ?
À lui seul, l’Hérault concentre les exemples de sinistres à répétition : phénomènes de grêle de plus en plus intenses dans leurs impacts et dans le nombre de zones concernées, fréquents épisodes d’inondation. La canicule de juin 2019, avec un pic de température à 46 degrés le 23 juin, a brûlé les vignes aussi sûrement qu’un chalumeau l’aurait fait. Même le gel printanier d’avril 2021, particulièrement dévastateur dans le nord-est de la France, a touché les côtes méditerranéennes, avec des pertes de l’ordre de 30% pour les productions viticoles. Il y vraiment urgence. C’est pourquoi, en prenant la tête de la chambre d’agriculture de l’Hérault en 2019, j’ai tenu à inscrire à l’ordre du jour du projet agricole départemental la question climatique, qui n’avait pas été identifiée comme une thématique à part entière dans le précédent plan 2013-2019.
Quel est le rôle d’une chambre d’agriculture dans la prévention des risques ?
Nous avons un rôle de conseil, d’accompagnement, de formation des agriculteurs, de contribution à la recherche scientifique et à l’élaboration de solutions de prévention, de mise en relation et de coordination des différents acteurs de l’écosystème.
En France, seulement 8% des eaux sont stockées,
contre 50% en Espagne.
La chambre d’agriculture travaille par exemple avec des scientifiques sur la résistance des cépages, en réservant des parcelles à l’expérimentation d’espèces moins exposées au mildiou et moins gourmandes en produits phytosanitaires. Une réflexion avec les collectivités est par ailleurs lancée autour de solutions de stockage et d’acheminement de l’eau. En France, seulement 8% des eaux sont stockées, contre 50% en Espagne. Il faut multiplier les dispositifs de retenues hivernales collinaires, qui permettent la réutilisation des eaux usées. Les collectivités peuvent également soutenir les investissements dans les systèmes de drainage, les filets et canons anti-grêle, les systèmes contre le gel, tous ces équipements très efficaces partout où ils sont mis en place.
Les producteurs sont-ils suffisamment sensibilisés à la question des risques ?
Un exemple : le 23 juin 2019, en plein pic de la canicule, on a vu des viticulteurs travailler dans leurs vignes, certains pour écimer, d’autres pour épandre du souffre. Ils croyaient bien faire, alors que le simple fait d’introduire du matériel dans une vigne lors de chaleurs extrêmes surchauffe les ceps. La prévention reste un travail collectif. En partenariat avec Predict Services, une société spécialisée dans la veille hydrométéorologique et la gestion des risques naturels, qui travaille notamment avec les communes et les intercommunalités, nous cherchons à concevoir et diffuser un outil d’alerte adapté aux besoins spécifiques des agriculteurs. En cas de canicule par exemple, on pourrait ainsi lancer une alerte et formuler des préconisations d’usage (« surtout, n’entrez pas dans votre vigne »). Nous montons des cycles de formation à l’attention des coopératives et des vignerons indépendants, afin de les sensibiliser à la pertinence de nouvelles pratiques culturales. On estime que seulement 30% des surfaces agricoles sont assurées. Je sais que ce sujet ne fait pas l’unanimité chez les agriculteurs, mais je suis personnellement pour une obligation à s’assurer.