« On ne peut pas tout anticiper »
Quelle est le principal risque pour la région Ile-de-France ?
Incontestablement, le risque naturel avec une crue centennale de la Seine et de ses affluents (Marne, Oise). Pour rappel, une crue centennale n’est pas un phénomène qui survient tous les cent ans, mais un événement qui a une chance sur cent de se produire chaque année. Ce qui signifie qu’on peut ne pas en connaître durant trois siècles, tout comme on peut devoir en subir deux en quinze ans. La Seine a connu 81 crues depuis l’an 1500, les deux dernières remontant à 2016 et 2018.
Quelles seraient les conséquences d’une crue centennale aujourd’hui ?
Aucune zone d’Ile-de-France ne serait épargnée. On chiffre à plus de 450 000 le nombre de logements qui seraient exposés et à près d’un million le nombre de personnes qu’il faudrait évacuer ou faire vivre dans des conditions de vie très dégradées.
Aucune zone d’Ile-de-France
ne serait épargnée par une crue majeure.
Mais au-delà, ce sont des millions de personnes qui seraient touchées d’une manière ou d’une autre. La dégradation ou l’interruption des services publics, des infrastructures et des réseaux (électricité, eau potable, communications, transport, assainissement, etc.) bouleverseraient fortement et durablement les activités économiques et la vie quotidienne des Franciliens. Des centaines de milliers d’emplois seraient impactés. Selon l’OCDE, le coût des dommages directs pourrait atteindre plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Est-on prêt à gérer un événement de ce type ?
Non, pas encore. Ce qui ne veut pas dire que l’on ne s’y prépare pas. Le sujet fait l’objet depuis une vingtaine d’années d’une attention particulière des pouvoirs publics, des acteurs de la prévention des risques et de la gestion de crise. Mais il demeure évident que l’on ne peut pas tout anticiper au regard de la complexité de notre territoire. Pour autant, il y a des actions à mener. Dans une région qui connaît de fortes évolutions de ces tissus urbains, la clé d’entrée urbanistique est sans doute très pertinente. Par exemple, on peut réserver dans le cadre du renouvellement urbain les zones inondables aux usages et aux bâtiments les moins vitaux ou vulnérables (équipements sportifs plutôt que logements, terrains de loisirs plutôt qu’hôpitaux), ou alors s’attacher à n’y construire que des bâtiments rapidement démontables. Autre exemple : dans les zones d’activités, on peut imaginer un lieu protégé des eaux, où sécuriser le matériel informatique ou des équipements essentiels à la continuité des productions pour les entreprises.
Où se trouvent les principales poches de vulnérabilité du territoire ?
À l’échelle d’une métropole, a fortiori à celle de la région capitale, les services vitaux, les infrastructures et les réseaux sont éminemment interdépendants, ce qui en cas de crise favorise et accélère les effets dominos. Or, malgré cette intrication du maillage, la coopération entre les différents opérateurs, qui ont par endroit construit des modèles de gestion de crise très différents, reste complexe à mettre en œuvre. En outre, la superposition des échelons décisionnaires publics (État, région, départements, intercommunalités, communes) et privés ajoute à la complexité de la prévention et de la gestion de crise. La compartimentation entre les acteurs est un frein majeur à la résilience globale du territoire.