« Acceptons les risques, pour les transformer en atouts »
Le 23 mars 2018, un fanatique tue quatre personnes – dont le gendarme Arnaud Beltrame – dans le Super U de votre commune. Sept mois plus tard, une crue hors normes fait six morts. Un maire peut-il se préparer à tout cela ?
On ne peut pas mettre un attentat et une catastrophe naturelle sur un même plan. L’un reste totalement imprévisible, l’autre appelle de réels choix politiques. Ce qui est certain, c’est que tant qu’on n’a pas été confronté à des événements extrêmes, la prise de conscience n’est pas totale. Le premier enseignement que l’on peut tirer de telles épreuves, c’est l’humilité. On ne peut pas tout anticiper. Il faut donc essayer d’entrer dans une démarche de résilience : d’abord accepter le risque, puis reconstruire (les pierres et les esprits) en transformant les risques en atouts.
Vous parlez de choix politiques, quels sont-ils ?
Trèbes est au confluent d’un fleuve, l’Aude, d’une rivière, l’Orbiel, et d’un tronçon du canal du Midi. Nous sommes confrontés à un risque de crues très importantes.
Face à l’ampleur des dégâts,
toute la puissance publique est à la manœuvre.
C’est pourquoi, après la catastrophe du 15 octobre 2018, nous avons engagé une réflexion sur l’aménagement urbain de la ville, avec un objectif majeur : prévenir les inondations. J’ai rencontré beaucoup d’apprentis ingénieurs hydrauliques, tous avaient une solution très technique, assez générique. Or, chaque commune présente des caractéristiques spécifiques. En ce qui nous concerne, il s’agit de diminuer la hauteur des eaux et de ralentir les flux. Cela passe par un élargissement maximal des lits du fleuve et de la rivière. C’est un chantier colossal, qui se poursuivra sur des années. Pour gagner en latéralité, il faut démolir. La piscine, le camping, l’école maternelle seront reconstruits ailleurs. Une cinquantaine de maisons doivent également être rasées. Pour un maire, c’est une déchirure.
Quel regard portez-vous sur l’écosystème de gestion de crise ?
Dans une telle situation, le maire reste l’interlocuteur privilégié des administrés. Mais face à l’ampleur des dégâts, toute la puissance publique est à la manœuvre. Les services de l’État et les collectivités territoriales (région, département, agglomération) ont fait bloc. Bien sûr, tout n’est pas parfait. Il y a forcément un décalage entre l’impatience légitime des familles et la temporalité administrative, incompressible. Il aura fallu attendre deux ans et demi pour lancer les premières démolitions. Mais le fonds Barnier a fonctionné de manière remarquable. Les familles ont été indemnisées. Notre intercommunalité, Carcassonne Agglo, recouvre plus de 80 communes. Malgré cette taille XXL, elle s’est organisée au mieux, en multipliant les échanges. La région et le département ont créé un guichet unique pour organiser les financements.
Après cette épreuve, avez-vous hésité à représenter votre candidature à la mairie ?
J’ai grandi à Trèbes, c’est ma ville. Si, après l’attentat, j’ai pu douter, j’ai su au lendemain des inondations que je serai candidat à un second mandat. Cela peut sembler prétentieux, mais cette année 2018 m’a fait entrer dans une autre dimension relationnelle avec les administrés. Je me sens investi d’une mission. J’ai été réélu au premier tour avec plus de 60% des suffrages, alors qu’il y avait trois listes en compétition.