Allemagne • En Allemagne, le coup de balai permanent
Entrée en vigueur au 1er janvier 2018, une loi met en demeure les sites internet et réseaux sociaux d’effacer en quelques heures tout contenu illicite. Le procédé est radical, mais contesté tant il pose de questions.
Quand il avait présenté sa loi devant le Bundestag en 2017, laissant aux réseaux sociaux quelques mois à peine pour se mettre en conformité, le ministre de la Justice, Heiko Maas, avait lui-même eu du mal à prononcer le mot sans trébucher : Netzwerkdurchsetzungsgesetz, littéralement « loi sur l’application des réseaux », plus communément appelée NetzDG. Au matin du 1er janvier 2018, jour de l’entrée en vigueur d’un texte controversé, ce ministre avait affronté une avalanche de critiques, mais quelques semaines plus tard, il pouvait se féliciter des résultats d’une étude publiée par le Congrès juif mondial. En si peu de temps, l’Allemagne était le seul pays au monde où l’antisémitisme avait reculé sur internet (-16%) quand dans le même temps il avait progressé de 34% aux Etats-Unis et 2% en France.
En cas de non respect de la loi,
une amende plutôt dissuasive
allant jusqu’à 50 M€.
Comment et pourquoi un tel succès ? Tout simplement car la loi NetzDG impose à tous les réseaux sociaux qui officient sur son territoire d’effacer sous 24h toute infraction à l’article 130 du Code pénal sur l’incitation à la haine raciale. Les insultes, les injures, les menaces, les vidéos, les messages, les photos… tout doit disparaître dans la journée. Seule entorse à cette règle radicale, les cas litigieux qui peuvent faire l’objet d’une étude plus approfondie et disposent alors d’un sursis d’une semaine. En cas de non-respect de la loi NetzDG, les responsables de ces réseaux sociaux peuvent être condamnés à une amende plutôt dissuasive allant jusqu’à 50 millions d’euros ! Et le ministre de la Justice de justifier son texte en expliquant aux plus récalcitrants qu’il n’y avait pas de raison qu’un réseau social, au prétexte qu’il officiait en ligne, ne respecte pas la loi : « Comme toutes les entreprises, Twitter et Facebook doivent respecter la législation allemande », argumentait Heiko Maas, comparant la responsabilité de ces acteurs à celle des éditeurs de journaux imprimés.
Les critiques ont été nombreuses à l’origine. De la part des opérateurs internet bien sûr (Facebook, qui comptait en 2018 près de 30 millions d’utilisateurs, a par exemple été contraint à l’embauche de 1 200 personnes en quelques jours pour contrôler ce qui s’écrivait sur son propre réseau. Mais ce sont surtout les partis politiques et les médias traditionnels qui se sont insurgés contre cette loi. Les premiers, alliés de circonstance : on a vu à l’époque les Verts, le Parti libéral-démocrate (FDP) et Die Linke (Gauche radicale) évoquer main dans la main une « censure d’Etat », argument repris par le parti d’extrême droite (AfD) qui parlait de méthodes « dignes de la Stasi ». Même son de cloche de la plupart des grands médias expliquant que c’était une « atteinte à la liberté d’expression », le quotidien Bild se présentant même comme « un martyr de l’opinion ». Ce qui n’a jamais fait faillir les défenseurs d’une loi aménagée depuis 2018, notamment en termes d’harmonisation européenne, mais qui aura été pionnière en matière de lutte contre la haine qui aura, de fait, marqué le pas sur le territoire allemand.