L’itinéraire chaotique de la loi Avia
Ce texte de loi voit son origine lors du dîner annuel du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) en mars 2018 au cours duquel Emmanuel Macron annonce confier une mission à la députée LREM Laetitia Avia pour lutter contre le racisme, l’antisémitisme et la haine en ligne. Il faudra plusieurs mois et d’innombrables auditions pour parvenir à un texte de loi finalement adopté à l’Assemblée le 13 mai 2020… mais quasiment intégralement censuré par le Conseil constitutionnel le 18 juin de cette même année.
Quelles en étaient les principales dispositions ?
L’article 1er exigeait par exemple des plateformes le retrait « immédiat » (sous 1h ou 24h) de contenus illicites comme l’apologie de crimes de guerre ou crimes contre l’humanité, la provocation à la haine ou à la violence contre des personnes en fonction de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race, une religion, le harcèlement sexuel, la diffusion d’images pédopornographiques, l’apologie du terrorisme…
La loi prévoyait aussi la création d’un parquet spécialisé en charge d’instruire des dossiers concernant le numérique, la mise en place d’un « Observatoire de la haine en ligne », mais également le transfert du contrôle des réseaux sociaux de la CNIL au CSA. Ce dernier, selon l’article 4, voyait ainsi sa mission de régulation s’élargir en intégrant désormais internet à son champ audiovisuel déjà composé des radios et télévisions.
A l’époque, ce projet de loi suscite une réelle bronca, en raison notamment des nombreuses possibilités de censure, et le risque de « retrait excessif de contenus » par un opérateur privé sans contrôle de la justice, garante institutionnellement des libertés individuelles. Une sorte d’atteinte disproportionnée à la liberté d’expression. Le 24 juin 2020, une loi –purgée des dispositions jugées inconstitutionnelles – est promulguée, qui retient uniquement la création du parquet, la simplification du signalement et la création d’un observatoire rattaché au CSA.
Pour autant, Laetitia Avia ne renonce pas et obtient finalement que plusieurs articles de sa loi initiale soient intégrés au texte confortant le « respect des règles de la République » voté le 24 août 2021, par exemple la création d’un délit de mise en danger de la vie d’autrui sur internet (« doxing »), puni désormais de 3 à 5 ans d’emprisonnement et 45 000 à 75 000 euros d’amende.