Twitch, le nouvel eldorado des élus
Ce réseau social, 10 millions de chaîne de streaming vidéo dans le monde en 2021, est spécialisé dans le jeu en ligne ou l’« in real life » (IRL) comme la politique par exemple. Méconnu en France (à part les initiés), jusqu’à ce que François Hollande participe à l’exercice.
Sur l’écran ce lundi 8 mars 2021 au soir, l’image est assez surréaliste. Côte à côte dans une salle à manger mal éclairée, un présentateur de jeux télévisés et un ancien président de la République vont s’adresser pendant 2 heures aux 84 000 abonnés connectés sur Twitch ! Le présentateur, c’est Samuel Etienne, qui a ouvert sa chaîne quelques semaines plus tôt. L’ex-chef d’Etat est François Hollande, qui va répondre sans aucun filtre, dans un grand exercice de démocratie directe. Samuel Etienne prévient : « Ici ce n’est pas la télévision, ici c’est la maison, ici c’est la vie ! » Et le présentateur souligne même que sa femme et son fils jouent dans la pièce d’à côté. L’émission sur Twitch est un tel succès que la semaine suivante, le Premier ministre Jean Castex va se livrer au même exercice dans le salon de Samuel Etienne.
Twitch n’est pas encore soumis
aux contraintes de la télé sur le respect
des temps de parole.
Twitch est né en 2011 sur la côte ouest des Etats-Unis, et n’était au départ qu’une plateforme dédiée au streaming, spécialisée dans le jeu vidéo. Ses premiers abonnés étaient alors de jeunes « gamers », des internautes se filmant en train de jouer en direct sur leur console, rapidement rejoints par d’autres abonnés commentant leurs performances. Un royaume à la gloire de Fortnite et Call of Duty. Seulement, très vite, le succès va dépasser la petite start-up, rachetée en 2014 par Amazon pour la coquette somme de 970 millions de dollars, qui emploie aujourd’hui 6 000 personnes et s’est diversifiée dans la « real life » avec des « chaînes politiques » notamment. En mai 2021, le réseau revendiquait près de 10 millions de canaux différents pour 2,2 milliards d’heures de vidéos visionnées par les abonnés sur ce même mois.
En France, de nombreux élus ont reniflé le filon. La chaîne « Acropolis » est ainsi animée par Jean Massiet, un ancien collaborateur de cabinet qui décrypte les séances de questions à l’Assemblée. Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement, s’y est également essayé avec sa chaîne « #Sans Filtre », comme Denis Masséglia (Lrem) ou Ugo Bernalicis (FI) qui tentent de percer avec leurs abonnés… sans y parvenir véritablement. Seul Jean-Luc Mélenchon – qui avait été le premier à faire des meetings en simultanée avec son hologramme – a connu un certain succès avec sa chaîne « Twitchons ».
Pour cela, encore faut-il connaître les codes et les outils dédiés, savoir manier le vocabulaire, avoir l’aisance du direct et de l’impro… comme à l’époque des premières radios libres. Pour ceux qui s’y sentent comme un poisson dans l’eau, c’est l’assurance d’une communication directe et d’un dialogue sans filtre, précisément ce qu’apprécient les plus jeunes streamers, ceux qui boudent les médias traditionnels et que l’on peut finalement atteindre par ce type de réseau social. Un bain de foule virtuel… qui n’est finalement pas virtuel du tout puisque les personnes connectées interviennent et posent leurs questions en « real life » et en direct. Un grand exercice de démocratie participative, sans réelles contraintes. Et puis Twitch a un intérêt non négligeable pour des élus : il n’est pas – encore – soumis aux mêmes contraintes que les télévisions et radios qui doivent respecter des temps de parole. Prendre l’antenne sans se soucier de la rendre, voilà du pain béni pour les politiques !