Les réseaux, nouveaux espaces de démocratie participative ?
Facebook, Twitter, Instagram ou Snap permettent à tout citoyen de se prononcer sur son environnement, dialoguer, interpeller, commenter… Ce sont de nouveaux canaux de communication qui favorisent la participation au débat. Sous certaines conditions.
En mai 2021, dans les colonnes du journal Le Parisien, l’auteur du compte Twitter @AubervillierC, revendiquant décrire « le vrai quotidien des habitants de la commune », constatait qu’il arrivait à ses fins beaucoup plus aisément grâce aux réseaux sociaux que s’il était passé par les voies officielles. Interpellant publiquement le premier édile sur Twitter à propos de déchets sauvages qui s’amoncelaient à un endroit de la commune, il avait très vite obtenu l’installation d’un grillage pour contenir les dépôts sauvages et, fort de son succès et sachant qu’il comptait désormais parmi ses abonnés tous les adjoints et membres du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, le même auteur reconnaissait aussi que « lorsqu’on les interpelle sur les ordures, les agents de nettoyage de la ville passent en moins d’une journée ». Voilà un exemple de démocratie directe rondement mené ! Autrefois on s’adressait à son maire le dimanche matin au marché, désormais c’est à toute heure du jour – et parfois de la nuit – que l’on peut apostropher les membres du conseil municipal. Et souvent exiger une réponse rapide à une interpellation concrète.
Souvent, les influenceurs locaux
peuvent devenir de farouches adversaires.
Pour les institutions locales, qu’il s’agisse des mairies, des conseils départementaux ou régionaux, des chambres de commerce et d’une manière générale toutes les administrations, il s’agit d’un nouveau mode de communication dont il faut connaître les clés, au risque de se prendre les pieds dans le tapis.
Certains gèrent particulièrement bien leur compte officiel, certifié par le réseau social (Twitter, par exemple, a un système de certification qui permet d’authentifier l’auteur du compte), et dialoguent en direct avec leurs administrés. D’autres ont préféré embaucher des community managers (CM) chargés de cette communication sur les réseaux. Certains CM se sont d’ailleurs fait connaître pour leur professionnalisme et leur efficacité lorsqu’il s’agissait de gérer une situation de crise (TGV en panne en rase campagne, situations sanitaires exceptionnelles, intempéries…) ou parce qu’ils avaient une manière bien à eux de communiquer sur les réseaux, parfois avec humour. Dans tous les cas en maîtrisant parfaitement les codes propres à ce type de communication, la synthèse et la rapidité. En effet, l’auteur individuel d’un tweet ou d’un message sur Facebook, quand il s’adresse à une institution, une entreprise ou un élu, attend une réponse personnalisée et immédiate. Voire l’exige de manière plus ou moins courtoise.
Les réseaux, un nouveau mode de communication à maîtriser
Parfois, la viralité peut d’ailleurs dépasser l’auteur du message et s’avérer être un véritable tsunami pour celui qui se trouve apostrophé. On l’a notamment beaucoup vu depuis le début de la crise du Covid-19, avec des messages adressés aux élus à qui, tour à tour, on reprochait de ne pas avoir de masques, de gel hydroalcoolique ou de vaccins…puis à qui l’on reprochait de favoriser le port du masque, la vaccination et le pass-sanitaire. Il faut avoir les reins solides et une belle résistance à la critique lorsque l’on se retrouve dans le cœur du cyclone du réseau social et qu’un message « tweeté, retweeté, partagé, liké, commenté… » des milliers de fois vous concerne. Les élus s’y frottent avec plus ou moins de succès, ceux qui ont assimilé les codes s’en sortent avec brio et utilisent les réseaux pour conforter ce lien étroit avec leurs administrés. Ils parviennent même à établir une forme de complicité et l’édile n’est plus cet élu enfermé dans la tour d’ivoire de sa mairie.
En revanche, gare à ceux qui balayent trop vite un phénomène qui peut les dépasser ou du moins, entamer sérieusement leur crédibilité. Souvent les influenceurs locaux peuvent devenir de farouches adversaires. Ainsi l’on a vu sur Twitter, au début de l’année 2021, un hashtag se répandre comme une traînée de poudre, repris par des milliers d’internautes. Il s’agissait au début de quelques photos prises dans les rues de Paris par des concitoyens qui souhaitaient partager ce qu’ils trouvaient « abîmé » dans la capitale. Des trottoirs défoncés, des jardinières à l’abandon, des feux de signalisation brinquebalants, des panneaux retenus par du scotch, des fontaines Wallaces dans un sale état, des bancs Davioud dégradés… et bien sûr des images d’immondices un peu partout dans Paris. Les photos ont très vite circulé, en France comme à l’étranger, au point que la presse internationale s’intéresse au sujet. La ville de Paris aura mis beaucoup trop de temps à réagir et, surtout, aura d’abord nié le phénomène, allant même jusqu’à dire qu’il était orchestré par l’opposition ou par des mouvements extrémistes. C’était ne pas savoir comment fonctionne un réseau social. Et la déferlante de milliers de tweets aura eu raison de la mairie finalement contrainte à admettre la situation et rétropédaler sur son nouvel esthétisme urbain, retirant de la circulation ce qui arrivait en tête de l’exaspération sur Instagram, Facebook ou Twitter : les « sièges champignons » ou les « bancs Mikado ». Ou comment les réseaux sociaux peuvent, sinon changer la face du monde, du moins changer l’esthétique de Paris.