« Le réseau social ne remplace pas la poignée de main sur le marché ! »
Un élu ou une collectivité doivent-ils nécessairement se lancer dans les réseaux sociaux ?
Les réseaux sociaux ne sont jamais une obligation. Pour un élu, il y a plus de chances d’y paraître « ringard » en y étant mal préparé, qu’en n’y étant pas…et je n’ai jamais vu une manifestation aux fenêtres d’une mairie pour réclamer qu’elle ouvre une page Facebook. Toutefois, à l’heure où les réseaux sociaux sont pointés du doigt pour leur influence dans des mouvements comme les gilets jaunes, voire leur propension à « fausser » l’exercice démocratique, le secteur public et les élus, porteurs de sens et de valeurs, ne peuvent rester les grands absents de cette transformation sociétale et culturelle.
C’est un outil de démocratie directe ?
Pour espérer obtenir des résultats et retisser un lien de confiance avec les citoyens, il faut oser, courir le risque, imaginer et entreprendre. Dans cette nouvelle relation au citoyen-usager, on ne communique plus « vers », mais « avec » ses administrés, qui sont désormais coproducteurs de communication, d’image, et parfois codécisionnaires des politiques publiques. Pour qu’ils « rapportent » le plus, les réseaux sociaux doivent avant tout être considérés comme des outils d’écoute, de « feedback », de dialogue, de création de liens, et non comme de simples canaux de communication descendants.
Il faut donc accepter la critique, la contradiction, les commentaires qui ne plaisent pas.
Quel élu(e) n’est pas déjà rôdé à cet exercice ? C’est l’essence de la fonction.
La règle fondamentale
est la transparence :
soyez vous-même…
Et surtout formez-vous.
Nous sommes en France, pays de la liberté d’expression et des « râleurs » : tant mieux, car nous ne sommes pas en Corée du Nord. « Fermer les commentaires » est non seulement souvent impossible, mais totalement absurde sur un réseau social dont l’ADN est le dialogue. Cela enverrait un très mauvais signal : « J’ai peur des commentaires, je ne supporte pas la critique ». En revanche, cela ne veut pas dire qu’on accepte d’être insulté, calomnié, brocardé : ces outils offrent toutes les fonctionnalités pour modérer et maîtriser le débat si quelqu’un franchit la ligne rouge. Et il faut le faire. Quitte à engager des actions en justice.
Cela implique aussi de répondre, sinon on donne le sentiment de mépriser celui/celle qui vous interpelle
L’espace virtuel a les mêmes codes de bienséance que le réel. Imaginez une pièce où un élu parlerait avec ses administrés, quelqu’un viendrait argumenter poliment ou poser une question : est-ce que l’élu lui tournerait le dos, en embrayant sur une autre idée ? Trop de femmes et d’hommes politiques donnent l’impression d’utiliser les réseaux sociaux comme des outils de soliloque plutôt que de dialogue. Sans le savoir ni le vouloir, ils renvoient l’image de personnes déconnectées du monde, sur un piédestal, méprisant la « plèbe ». Parfois, un simple « j’aime » sur un commentaire bienveillant permet de créer du lien.
Dans quels pièges ne pas tomber ?
La règle fondamentale est la transparence : soyez vous-mêmes et ne cherchez pas à jouer un rôle ! Et surtout formez-vous. Tous les élus font du média training avant de passer à la télé. C’est la même chose : il faut apprendre et s’entraîner, avant d’être jeté en pâture dans une meute, qui maîtrise mieux ces nouveaux codes que vous. Quant aux écueils, ils sont nombreux. Il vaut mieux tourner 7 fois son pouce avant de tweeter : beaucoup d’élus(e)s qui se sont pris les pieds dans le tapis en ont fait les frais. Et lorsqu’on commet une erreur, autant la reconnaître : c’est une posture très appréciée, que celle de la transparence ou de l’humilité. Enfin vérifiez vos anciens tweets et faites attention à vos changements d’avis.
Que dit-on sur un réseau social ? C’est un mariage subtil de sujets sérieux et anecdotiques ?
Il n’y pas de règle, l’essentiel est d’adopter un positionnement cohérent avec votre ADN, d’être en phase avec vous-mêmes. Si vous faites des blagues tous les quatre matins comme André Santini, il serait curieux que vous n’adoptiez pas ce ton sur les médias sociaux. Ce qu’il faut comprendre, c’est que beaucoup de followers sont des « voyeurs », dans le bon sens du terme. Ils cherchent à mieux connaître, comprendre et parfois voler une part d’intimité à celle ou celui à qui ils vont donner leur vote. Que voulez-vous qu’ils voient de vous, quelle part d’intime acceptez-vous d’exposer ? C’est de la communication et à vous de le décider, cela s’appelle une stratégie éditoriale. Je ne compte plus les élus venus me dire, l’air dépité, « la photo avec ma maman lors de la fête des mères a fait 2 000 likes, alors que mon post sur le vote du budget n’en a pas fait 10 ».
Le réseau social remplace-t-il le tour sur le marché ?
Surtout pas ! Il le complète, le prolonge, mais c’est loin d’être l’essentiel. Le réseau social permet de toucher d’autres publics, mais le principal reste bien la campagne de terrain. Rien ne remplace une rencontre dans la « vraie vie ». Une poignée de mains fera sûrement de la personne votre plus fidèle abonné ou follower.