Les conclusions de notre étude replacent l’habitation au cœur de l’intimité de l’habitant
Votre enquête sur les attentes des habitants en matière de logement* fait-elle ressortir une aspiration partagée ?
J’ai été associée à une recherche menée par le professeur des universités Alain Bourdin, dans le cadre d’un programme de la direction R&D du groupe Bouygues Construction. Notre étude a ciblé les habitants de grandes villes. L’enquête quantitative auprès de 1 500 personnes s’est accompagnée d’une enquête qualitative par des entretiens collectifs. Les conclusions replacent l’habitation au coeur de l’intimité de l’habitant. Cela signifie concrètement le fait d’avoir, pour chacun, quelque chose à choisir : un stationnement privatif, un balcon…
Peut-on parler d’attentes assez classiques ?
Ces attentes récurrentes ne sont peut-être pas surprenantes, mais elles méritent d’être rappelées.
Au-delà du critère économique…
un intérêt très fort pour la nature.
Elles mettent en avant le besoin d’isolation thermique, d’espaces extérieurs et d’espaces verts. Sans parler du critère économique, essentiel dans le choix d’un logement, les personnes interrogées ont un intérêt très fort pour la nature et un besoin important d’appropriation du logement.
Cela signifie que le développement durable, le logement partagé ou le logement connecté ne sont pas au cœur de leurs attentes ?
En effet, ces choix restent minoritaires. L’étude met en avant que ces choix très marqués ne concernent que des niches. Par exemple, l’éco conditionnalité concerne 14% de la population. Au-delà de la nécessaire appropriation de l’espace intime, nous avons identifié huit tendances : les mainstream qui sont prêts à tous les changements du moment que cela n’impacte pas leur mode de vie (32% des personnes interrogées), les repliés (24%) qui attendent avant tout que le logement les protège, voire qu’il les isole. Pour les « my ways », les logements doivent être personnalisés (16%) tandis que les collaboratifs (16%) aspirent à un partage de leur quotidien avec leurs voisins par des espaces collectifs. Treize pour cent des personnes interrogées se placent dans la tendance « des tranquilles » tandis que les exigeants (10%) ont des positions marquées et des pratiques différenciées. Enfin, les technophiles, qui ont un intérêt très marqué pour les technologies, sont très minoritaires.
Selon votre enquête, les habitants se rangent dans des profils-type ?
On ne peut pas vraiment parler de profils mais de tendances, les habitants ont des positions qui évoluent ; les profils se rapprochent et se mélangent. Et il faut préciser que 28% des habitants n’entrent dans aucun profil. Si le désir d’innovation existe, il doit être examiné sous l’angle de l’autonomie et du confort urbain.
En connaissant les différents modes de vie des habitants, comment les intégrer dans des projets de constructions ?
Cette première phase d’étude va être suivie d’une recherche appliquée sur trois opérations test. Des ateliers avec les équipes projets vont permettre de prendre en compte les usages des habitants et leur évolution. La coopération avec les pionniers constitue une ressource. Sur chaque opération, il existe un espace qui peut être négocié avec les pionniers.
* « Du logement à la ville : ce que préfèrent les habitants, récit d’une enquête », Alain Bourdin Pauline Silvestre, Les éditions de l’Aube, 2020.