Déchets d’appareils électroniques : comment contenir le raz-de marée
La filière mise en place pour traiter ces déchets peine à en absorber le flux, qui a crû de 20% en dix ans. Elle est soutenue par un foisonnement d’initiatives privées et solidaires.
En 2019, les Français, ménages et entreprises confondus, ont consommé plus d’1,2 milliard d’équipements électriques et électroniques (EEE), soit un volume de 2,1 millions de tonnes. Ces équipements sont ceux de la vie courante, des téléphones portables aux panneaux photovoltaïques en passant par les ordinateurs et l’électroménager. La même année, 1,362 million de tonnes de déchets d’EEE (DEEE) ont été générés, soit 21 kg par personne : c’est 30% de plus que la moyenne européenne. Mais sur ce total, 855 000 tonnes seulement ont été collectées.
Un nouveau label
pour identifier
les produits conçus
pour durer.
Or à cause des substances polluantes qu’ils contiennent (mercure, lithium, brome), les DEEE sont considérés comme dangereux et leur traitement est très réglementé. La France a su mettre en place dès 2006 une filière capable de traiter efficacement plus de 600 000 tonnes de DEEE par an. Quatre éco-organismes, Ecologic, Ecosystem, PV Cycle et OCAD3E, assurent leur collecte, et organisent leur traitement, par élimination, valorisation énergétique, réutilisation de pièces et surtout recyclage matière, qui se taille la part du lion (75%). Leur cahier des charges a fixé un objectif de collecte de 65% pour 2019. Mais malgré une augmentation de 5% par rapport à 2018, l’objectif n’a pas été atteint, reconnaissait l’Ademe dans son évaluation annuelle.
Réutilisation, upcycling, reconditionnement et écoconception
Pour contenir ce flot de DEEE qui a augmenté de 20% en dix ans, les initiatives privées se multiplient, avec le soutien des éco-organismes. Elles ciblent en priorité l’allongement de la durée d’utilisation des appareils. La réutilisation est la solution privilégiée par le Réseau national des ressourceries, mais aussi par Carmila, spécialiste de l’immobilier commercial, qui accueille dans ses centres des boutiques Hubside de smartphones reconditionnés, des braderies du Secours Populaire ou des boutiques solidaires Emmaüs. L’upcycling, qui consiste à transformer les matériaux usagés en nouveaux produits de qualité supérieure, inspire de jeunes marques de design pour créer des objets d’art ou de décoration. Le reconditionnement est en pleine expansion : le collectif Emmabuntüs, par exemple, prolonge la durée de vie des ordinateurs avec le système d’exploitation Linux. L’écoconception ouvre de nouveaux horizons : l’Increvable, une machine à laver réparable, est censée tenir vingt ans pour le prix de 1 000 euros. Depuis 2019, les produits conçus pour durer sont d’ailleurs mieux identifiés grâce au label Long time, développé par la société toulousaine Ethikis ad civis.
Enfin, les solutions peuvent aussi être juridiques, depuis l’adoption de la loi de transition énergétique pour la croissance verte en 2015, qui punit l’obsolescence programmée. En 2017, l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP) s’en est servie pour déposer deux plaintes, l’une contre les cartouches d’imprimantes à jet d’encre, et l’autre contre les iPhone, dont la batterie doit être changée après mise à jour. Une démarche couronnée de succès puisque Apple a été condamné en février 2020 à une amende de 25 millions d’euros.