L’économie circulaire est nécessaire, mais pas suffisante
Dans l’économie circulaire comme dans la nature, rien ne se perd et tout se transforme. Un modèle qui marche très bien sur le papier (recyclé), moins bien dans la réalité.
L’économie circulaire, dans ses principes, consiste à imiter les écosystèmes naturels, où les flux de matières et d’énergies circulent en boucle, sans perte. Appliquée à une zone industrielle, elle signifie que les déchets des uns deviennent les ressources des autres, et l’énergie produite par les usines profite à leurs voisines. Le recyclage, l’un de ses piliers, a pour finalité d’économiser des ressources en produisant des biens neufs à partir des matières déjà mobilisées dans le circuit de production. En réalité, c’est un processus imparfait. Les matériaux ne sont pas recyclables à l’infini, car leurs propriétés physiques finissent par s’altérer. Le papier ne peut être recyclé que trois à six fois avant de se détériorer irrémédiablement. Les matériaux recyclés sont employés pour des usages dégradés, une opération appelée downcycling : les plastiques souillés finissent en chaises de jardin et en poubelles, les alliages métalliques sophistiqués sont refondus en fer à béton pour le BTP. « Même si le recyclage reste le meilleur traitement en bout de course, il est loin d’être une solution miracle et il doit être amélioré », alerte Laetitia Vasseur, de l’association HOP.
D’autres solutions à privilégier avant le recyclage
La généralisation de l’économie circulaire se heurte à un autre obstacle : la deuxième loi de la thermodynamique, selon laquelle l’énergie transformée subit une dégradation. À l’usage, les sources concentrées d’énergie et de matière, comme une tonne de charbon et une tonne d’aluminium, se dispersent inéluctablement dans l’environnement. Les boucles d’économie circulaire ne sont donc pas étanches, et le recyclage ne fait que repousser dans le temps un phénomène fatal : la déperdition des matières premières au cours des cycles d’utilisation, par dilution, contamination, dispersion… « Les métaux sont très employés sous forme dispersive comme des produits chimiques pour faire des colorants, des peintures, des dentifrices, des crèmes, de la bouillie bordelaise. Il est alors impossible de les récupérer », rappelle Philippe Bihouix, spécialiste des ressources minières, et auteur de deux essais sur le sujet.
Trop recyclés,
les matériaux finissent
par perdre leurs propriétés.
Avant le recyclage, « trop souvent utilisé comme argument de vente pour des objets à usage unique », selon le mouvement Zero Waste France, d’autres solutions doivent être appliquées telles que l’économie de la fonctionnalité ou l’écologie industrielle et territoriale. La première crée de la valeur à partir de services plutôt que de biens matériels : par exemple, Areco, un fabricant de nébulisateurs (système de conservation des produits frais dans les rayons des supermarchés), propose des abonnements, du conseil et de la formation à ses clients et se rémunère sur la performance d’usage. Quant à la seconde, elle optimise les ressources en mutualisant des actions sur un territoire donné : sur l’écoparc de Blanquefort, en Gironde, la démarche Ziri lancée en 2014 a mis en place une vingtaine de synergies entre ses 45 entreprises, avec à la clé économies et réduction de l’empreinte environnementale. Reste que le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas, insiste Zero Waste France : seule la sobriété garantit la préservation des ressources.