Italie : Prato, la ville qui veut sauver l’industrie textile
Cette capitale historique du textile italien, près de Florence, est réputée pour son savoir-faire innovant dans le recyclage de vêtements. Elle traite 15% des vêtements recyclés du monde entier pour produire de la « laine régénérée ».
Dans les entrepôts de Prato, capitale historique de la mode italienne, des montagnes de pulls, de pantalons, de chemises, de toutes les tailles et de toutes les couleurs, grimpent jusqu’au plafond, en attendant d’être triés et recyclés. Depuis près de deux siècles, cette ville voisine de Florence, en Toscane, a acquis une expérience et une expertise uniques au monde dans le recyclage de la laine et du cachemire. Ses entrepreneurs ont développé des techniques pour produire une « laine régénérée », constituée de laine vierge et de fibres de laine issue de chiffons.
7200 PME,
40 000 emplois,
5 Mds d’euros
de chiffre d’affaires
annuel.
Ils sont devenus très compétitifs sur le marché du recyclage textile, au point de traiter aujourd’hui 15% des vêtements recyclés du monde entier, soit 148 000 tonnes par an. Des balles de chiffons de laine arrivent donc à Prato en provenance de tous les pays, notamment des États-Unis. Des ouvriers spécialisés les trient à la main, en fonction de leur matière et surtout de leur couleur : les fibres de même couleur n’auront pas besoin d’être teintes à nouveau, ce qui allège leur impact sur l’environnement. Les chiffons de laine sont ensuite débarrassés de leurs boutons et fermetures éclair. Ils passent à travers un carbonisateur pour éliminer les impuretés qui pourraient nuire à la qualité de la laine recyclée. Puis ils sont réduits en fibres dans des broyeuses, effilochés, nettoyés dans des cuves à eau, et agglomérés en une sorte de pâte de tissu qui est séchée, puis transformée en flocons. À l’arrivée, une matière première qui peut contenir jusqu’à 90% de textiles recyclés, prête à réintégrer le cycle de production.
Un système unique de traitement des eaux en cycle fermé
Comme l’industrie textile en général, le recyclage de la laine consomme beaucoup d’eau. À Prato, la question a été résolue depuis 1981 par un système unique de traitement des eaux usées en cycle fermé, qui aujourd’hui encore sert d’exemple à d’autres villes d’Europe. Un partenariat public-privé entre la municipalité et un groupement d’entrepreneurs gère cinq usines, qui traitent chaque année 50 millions de mètres cubes d’eaux usées domestiques et industrielles et renvoient une eau propre dans le circuit de distribution. La laine régénérée a mis du temps à s’imposer comme une matière noble. Mais les entreprises de la confection n’hésitent plus à l’inclure dans leurs créations, depuis les stylistes prestigieux comme Giorgio Armani, jusqu’aux géants de la fast fashion comme Zara et H&M, en passant par de jeunes créateurs comme Rifò, qui conçoit des écharpes et des pulls à base de cachemire recyclé. Aujourd’hui, à Prato, 7 200 PME très spécialisées emploient 40 000 personnes, pour un chiffre d’affaires annuel de 5 milliards d’euros. Les perspectives sont prometteuses : 1% seulement des vêtements produits dans le monde sont recyclés, le reste étant incinéré ou enfoui dans des décharges en Inde et au Pakistan. Cet exemple de symbiose industrielle est une véritable planche de salut pour l’industrie du textile, la plus polluante du monde après le pétrole. Il a déjà séduit l’Union européenne, qui a inclus Prato dans les six villes pionnières de son programme urbain sur l’économie circulaire pour développer des circuits de production plus économes en ressources.