Un fonds et une étiquette pour ressusciter le réflexe de la réparation
En obligeant les fabricants à indiquer la réparabilité de leurs produits, la loi AGEC veut aider les consommateurs à retrouver le réflexe de la réparation. Mais celle-ci ne décollera que lorsqu’un véritable modèle économique sera en place.
C’est une première mondiale. Depuis le 1er janvier 2021, l’indice de réparabilité, une mesure phare de la loi AGEC, est entré en vigueur. Cet indice, qui ne sera obligatoire qu’à partir de 2022, doit inciter les producteurs à augmenter la durée de vie de leurs produits, mais aussi redonner aux consommateurs le réflexe de réparer ou faire réparer leurs produits. Un réflexe qui s’est bien perdu : en 2020, selon l’Ademe, 36% seulement des appareils abîmés ont été réparés. Dès le 1er janvier, les premiers scores sont donc apparus chez les distributeurs et les sites en ligne.
Les fabricants ont
jusqu’à 2022 pour
se mettre en conformité.
Concrètement, ils ressemblent aux codes couleurs de l’étiquette énergie : les fabricants de cinq catégories de produits emblématiques (smartphones, ordinateurs portables, télévisions, lave-linge et tondeuses à gazon) doivent afficher une note sur 10 qui indique dans quelle mesure leurs produits sont réparables. Le calcul de l’indice se base sur quatre critères : la facilité de démontage, la documentation technique, le prix et la disponibilité des pièces de rechange, le rapport entre le prix de la pièce de rechange et celui de l’appareil neuf. D’autres critères peuvent être ajoutés selon la nature du produit, comme la mise à jour des logiciels embarqués.
Des fonds seront créés pour subventionner le coût des réparations
Point faible du système, l’indice est calculé par les fabricants et vendeurs, qui se retrouvent juge et partie. Sa vérification est confiée à la DGCCRF, comme toutes les informations obligatoires figurant sur les produits, avec des sanctions pouvant aller jusqu’à 15 000 euros. Mais c’est insuffisant, juge l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP) : une information plus fiable devrait être produite par un laboratoire indépendant. La concurrence pourrait cependant limiter la tentation de l’éco-blanchiment, selon Kyle Wiens, pdg du site de réparation iFixit, qui a conseillé le gouvernement sur la mise au point de l’indice : un indice de réparabilité douteux aurait tôt fait d’être dénoncé par un concurrent. Reste que la réparation ne prendra son essor que lorsqu’un véritable modèle économique sera en place. Loin d’être prêts, les fabricants ont jusqu’à 2022 pour se mettre en conformité, et la comparaison des produits réparables ne sera possible qu’à partir de cette date. La disponibilité des pièces détachées doit être assurée ; or pour l’instant, beaucoup de constructeurs ne les conservent pas au-delà de la durée de la garantie. Il faut aussi de la main d’œuvre mieux formée et des services de maintenance plus étoffés. Pour aider à structurer cette nouvelle économie, la loi AGEC a confié aux éco-organismes la mission de mettre en place des fonds de réparation destinés à subventionner une partie du coût des réparations par les particuliers. En attendant, l’indice de réparabilité pourrait faire des émules. En novembre 2020, le Parlement européen a voté en faveur de l’élaboration de lois rendant obligatoire l’étiquetage de la réparabilité à l’échelle de l’UE. L’indice, lui, sera progressivement étendu à d’autres catégories de produits, et remplacé en 2024, selon la loi AGEC, par un indice de durabilité qui fournira plus d’informations sur la robustesse et la fiabilité des produits.