Espagne : Les nouveaux usages très créatifs des déchets agricoles
Les entreprises espagnoles de l’agro-alimentaire rivalisent d’ingéniosité pour trouver des débouchés aux sous-produits de l’agriculture et de l’élevage.
Énergie, construction, gastronomie, pharmacie… En Espagne, le secteur agro-alimentaire fait feu de tout bois pour valoriser les sous-produits de l’agriculture en matières premières pour d’autres activités. Ces initiatives s’inscrivent dans le droit fil du plan d’économie circulaire de l’Union européenne, tout en remplissant les objectifs de la politique agricole commune après 2020. Depuis plus de dix ans, les Caves Matarromera, près de Valladolid, valorisent le marc de raisin, obtenu après pressurage des raisins et séchage. Ce sous-produit est riche en polyphénols et en composés aux propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et antimicrobiennes. Matarromera a donc eu l’idée de l’employer comme ingrédient naturel dans les cosmétiques, mais aussi dans la cuisine comme exhausteur de goût ou pour réduire la teneur en sel des plats. Des recherches sont en cours pour l’utiliser comme fongicide dans les vignobles.
Des coques d’amandes
remplacent le teck
dans la construction
navale.
En Andalousie, la coopérative oléicole andalouse El Tejar recycle 30 à 35% des grignons d’olive, ces sous-produits de l’extraction d’huile d’olive, composés de peaux, de résidus de pulpe et de fragments de noyaux. Les grignons subissent un processus de centrifugation et de séchage et deviennent l’« orujillo », un résidu sec qui peut être incinéré dans des centrales pour produire de l’énergie électrique. Les cendres, riches en potassium et autres nutriments, sont réutilisées comme engrais. Et comme rien ne se perd, la coopérative valorise aussi les noyaux d’olives comme combustibles, et les feuilles d’olivier, riches en polyphénols, dans des produits pharmaceutiques. Les producteurs d’amandes, eux, se servent des coques, un matériau très résistant, comme substituts du bois de teck dans la construction et le vernissage des ponts de bateaux.
Les kakis produisent du biogaz, et le lisier, du thé de compost
En 2019, la communauté autonome de Castille et León a investi 2,6 millions d’euros dans la bioéconomie agro-alimentaire, pour valoriser les déchets de châtaignes, de pommes de terre, de lactosérum, de blé et d’avoine. L’association espagnole des producteurs de kakis a signé au printemps 2020 un accord avec le producteur d’énergie Genia Global Energy pour produire du biogaz à partir des 18 000 tonnes annuelles de fruits de qualité médiocre, et donc invendables. Facile à stocker, ce biogaz peut servir de source de chaleur et d’électricité, ou de carburant.
Dans les îles Canaries, enfin, le projet « Agricultura es mucho más » encourage un type d’agriculture qui pollue moins et valorise mieux les déchets verts, notamment les légumes invendus. Il veut rapprocher les éleveurs des agriculteurs pour que les sous-produits des uns servent aux autres. Ainsi les éleveurs produisent du thé de compost à base de lisier ou d’acide lactique provenant des fromageries, un liquide très nutritif pour le sol et qui contribue à réguler le pH de l’eau dans les champs. Ces interactions entre professionnels ont permis d’améliorer la qualité du sol avec des ressources naturelles, tout en diminuant les coûts de production agricole et la consommation d’eau. Une solution idéale pour les îles Canaries, qui souffrent d’un déficit récurrent en eau.