Les territoires, chefs d’orchestre de l’économie circulaire
Achats durables, gestion des déchets, nouvelles lois, nouveau label : les collectivités sont mieux armées pour déployer leur propre stratégie en matière d’économie circulaire. Avec des bénéfices attendus en termes de dynamisme économique.
Dans la basse vallée de la Seine, entre Rouen et Le Havre, la communauté d’agglomération Caux Seine Agglo a mis en place une plateforme pour inciter les entreprises à favoriser le commerce local et les circuits courts, à valoriser leurs déchets et à développer le plus de synergies industrielles possibles. Un réseau de chaleur pourra bientôt utiliser les excédents de chaleur émis par certaines entreprises pour alimenter des bâtiments. À Pau, dans le Béarn, la communauté d’agglomération a créé des filières interprofessionnelles de la déconstruction et du réemploi (IDRE) des matériaux du bâtiment, et la coopérative Ceinture verte facilite l’installation de maraîchers sur le territoire de l’agglomération.
Ces deux exemples soulignent la créativité déployée par les collectivités pour mettre en place l’économie circulaire dans les territoires. « L’économie circulaire exige de l’agilité et de l’audace, et les territoires sont clairement l’échelle la plus pertinente pour la mettre en œuvre : tout ce qui peut être réalisé en local de manière intelligente est bon à prendre », selon Thierry Meunier, président des Assises des déchets, qui réunissent les professionnels des déchets tous les deux ans.
Deux lois pour laisser les coudées plus franches aux collectivités
Deux lois votées au cours des six dernières années ont précisé les missions des collectivités pour développer des politiques d’économie circulaire. La loi de 2015 sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), tout d’abord, a étendu le champ de compétence des régions en matière de gestion des déchets. Elle a introduit le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD), pour réaliser les objectifs de réduction et de valorisation prévus par le Code de l’environnement, ainsi que le plan régional d’action en faveur de l’économie circulaire (PRAEC), pour promouvoir un meilleur usage des ressources.
L’Ademe veut dynamiser la mobilisation des collectivités.
Plus récemment, la loi AGEC contient plusieurs dispositions qui renforcent le rôle des collectivités. L’une d’elles concerne la commande publique, soit près de 100 milliards d’euros par an. Un décret de novembre 2020 dresse une liste de produits qui, lorsqu’ils sont achetés par l’État et les collectivités, doivent provenir du réemploi et de la réutilisation, ou intégrer des matières recyclées dans des proportions allant de 20 à 100%. Ces produits peuvent être des fournitures de bureau, des téléphones fixes et mobiles, des bâtiments préfabriqués, mais également des pneus. La ville d’Angers a voulu porter à 40% en trois ans son taux de rechapage de pneus qui plafonnait à 19%. Avec l’appui de Reseco, un réseau qui fait la promotion de la commande publique responsable, elle a négocié avec les fournisseurs et les professionnels du service des parcs automobiles et réalisé des tests sur de nouveaux véhicules.
Autre disposition de la loi AGEC : la gestion des déchets de construction, qui représentent un volume de 46 millions de tonnes par an. Concrètement, les maires obtiennent plus de pouvoirs dans la lutte contre les dépôts sauvages, un phénomène en expansion : ils peuvent utiliser la vidéosurveillance et prononcer des amendes. La charge de la gestion de ces dépôts est transférée aux éco-organismes, qui les réintègreront dans la nouvelle filière REP dédiée aux matériaux de construction.
Un nouveau label Économie circulaire qui récompense les alternatives
Ces nouvelles compétences présentent des avantages concrets pour les territoires. Outre les bénéfices environnementaux et climatiques, les filières de réutilisation, de réemploi et de recyclage sont pourvoyeuses d’innovations, de valeur et d’emplois, elles participent au dynamisme économique des territoires. Au cours d’une expérimentation de « synergies inter-entreprises » organisée dans quatre régions en 2017, l’Institut de l’économie circulaire a mobilisé 550 entreprises qui ont développé 138 synergies. Celles-ci ont permis de réaliser 7 millions d’euros de ventes supplémentaires avec 29 innovations, tout en valorisant 25 000 tonnes de déchets et en évitant les émissions de 2 163 tonnes de CO2. Ce nouvel arsenal législatif suffira-t-il à endiguer le flot de déchets ? Le volume total des déchets ménagers et assimilés des Français est reparti à la hausse, +2,4% au cours des dix dernières années, à rebours de toutes les politiques de prévention. Pour dynamiser la mobilisation des collectivités, l’Ademe a établi un nouveau label « Engagé en faveur de l’économie circulaire » sur la base d’un référentiel qui photographie l’état d’avancement des collectivités sur l’économie circulaire. Pour l’instant, ce label certifie l’engagement des collectivités et récompense les initiatives alternatives : réparation, optimisation de l’usage des biens, écologie industrielle, écoconception. Le 8 septembre 2020, aux Assises de l’économie circulaire, l’Ademe l’a décerné à huit syndicats de gestion des déchets et à huit collectivités, dont Caux Seine Agglo et Pau Béarn Pyrénées. Elle en a labellisé dix autres en janvier 2001, couvrant ainsi près de 6,5 millions d’habitants. Quant aux lauréats, ils bénéficient d’une aide accrue pour mieux structurer leurs stratégies d’économie circulaire.