Les matières recyclées ne sont pas assez rentables et c’est un problème
En apparence, l’industrie du recyclage va bien. Dans les faits, les matières premières recyclées manquent de débouchés, et les filières sont menacées. De nouveaux procédés technologiques pourraient améliorer leur compétitivité.
Élément clé du succès de l’économie circulaire, le recyclage contribue à éviter le gaspillage de ressources naturelles. Il sécurise l’approvisionnement de l’industrie dans un contexte de renchérissement et de raréfaction des matières premières, tout en diminuant ses impacts environnementaux. En France, l’industrie du recyclage va bien, en apparence. En 2019, son volume a crû de 2%, atteignant 107 millions de tonnes de déchets collectés. Ses 1 200 entreprises, des PME à 90%, qui emploient environ 30 000 personnes, ont investi 625 millions d’euros pour se moderniser, d’après le rapport annuel de Federec, leur fédération. Le groupe Veolia, dont l’activité déchets connaît une très forte progression dans le monde, espère atteindre d’ici 2025 un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros dans le recyclage du plastique, soit un triplement de celui de 2019. En France, le groupe veut porter sa collecte de plastique de 45 000 à 200 000 tonnes.
Des procédés prometteurs pour exploiter les mines urbaines riches en métaux précieux
Pourtant le volume de déchets envoyés vers des installations de recyclage n’atteint que 42% du volume total produit par les Français, encore loin de l’objectif de 65% en 2025 fixé par la loi pour la croissance verte de 2015. À leur décharge, les recycleurs sont confrontés à un défi technologique colossal : comment récupérer les éléments chimiques de certaines catégories de déchets sophistiqués, comme les plastiques et les équipements électriques et électroniques qui contiennent des alliages de métaux précieux.
Les professionnels du recyclage
réclament un « choc de la demande ».
Ces déchets constituent de véritables « mines urbaines » dont l’exploitation mobilise les institutions scientifiques. En France, trois grandes écoles, Arts et métiers, Chimie et Mines ParisTech, ont créé une chaire Mines urbaines avec l’éco-organisme Ecosystem pour développer de nouvelles filières de recyclage des métaux. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), porteur du projet Extrade en 2017, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), partenaire du laboratoire Scarce en 2018, conçoivent des procédés de séparation des matières à l’échelle moléculaire, voire atomique. Scarce a mis au point des solutions dites de micro-fluidique pour extraire les terres rares avec des résultats encourageants. De son côté, Apple a construit un robot, Daisy, capable de désassembler 200 iPhones à l’heure pour en récupérer quatorze matériaux.
Le recyclage du plastique, dont le taux en France ne dépasse pas 25% alors que la collecte atteint 60%, doit lui aussi traiter des mélanges de polymères de plus en plus complexes. Seuls 45% environ des plastiques seraient aujourd’hui recyclables technologiquement et économiquement. Mais, là encore, la recherche avance. Une équipe de chercheurs d’Eindhoven, aux Pays-Bas, annonçait en janvier 2021 un procédé très prometteur de séparation magnétique des familles de polymères en fonction de leur densité.
Sans obligation réglementaire, les matières de recyclage ne sont pas assez compétitives
En attendant que ces solutions soient industrialisées, les matières premières recyclées selon les techniques actuelles restent peu compétitives. Les industriels, de plus en plus exigeants sur leur qualité, rechignent à les incorporer dans leur cycle de production, et leur préfèrent les matières premières vierges, dont les cours ont baissé en 2019 et 2020. Les matières de recyclage manquent donc de débouchés, et les stocks s’accumulent. Très affectées par la crise sanitaire, la plupart des filières ont vu leur activité baisser fortement en 2020. Leur chiffre d’affaires s’en ressent, en recul de 20% en 2020 après trois années de croissance, alerte Federec. Les professionnels réclament donc un « choc de la demande », avec davantage d’incitations réglementaires pour incorporer des matières de recyclage dans les biens mis sur le marché. Ils citent le plastique en exemple : les plastiques recyclés s’écoulent mieux depuis que l’Union européenne exige que les bouteilles en plastique incorporent 25% de matière recyclée à l’horizon 2025. Dans le cadre du Green Deal, la Commission européenne devrait publier courant 2021 des plans stratégiques d’utilisation d’autres matières recyclées pour certaines filières, dont le textile. En France, la loi AGEC a aussi fixé plusieurs objectifs en ce sens : recyclage de 100% des emballages en plastique à usage unique d’ici 2025 ; recyclage ou don obligatoire des produits invendus ; obligation pour les acheteurs publics d’acquérir des biens comportant des matières recyclées.