L’exode vers les campagnes attendra
Le télétravail a-t-il encouragé les mouvements massifs de cadres parisiens vers les zones rurales ? Rien de moins sûr.
Ils sont 450 000 Parisiens intra-muros à avoir pris la clé des champs pendant le premier confinement. Selon l’Insee, qui a travaillé à partir des données de mouvement fournies par les différents opérateurs téléphoniques, c’est environ 20% de la population parisienne qui a alors choisi de quitter la capitale. La désaffection de ses habitants pour Paris est une tendance de fond. Selon le dernier recensement de l’Insee, la capitale a perdu en moyenne 11 900 habitants par an entre 2011 et 2016. Un phénomène de déclin qui touche au demeurant pas mal de capitales occidentales.
Un phénomène antérieur à la crise
Depuis le début des années 2000, la France connaît un accroissement des mobilités d’un département ou d’une région à l’autre. Le mouvement bénéficie surtout à l’Ouest, au pourtour méditerranéen et à la région Rhône-Alpes, alors que le Nord et l’Est de la France sont les zones qui connaissent le plus de départs. Depuis plus d’un an, les sondages se succèdent pour mettre en lumière le désir de déménagement de nombreux urbains. Selon le think tank la Fabrique de la Cité, la crise de la Covid a accru les rêves de mobilité de 21% des Français. Cette tentation est particulièrement répandue chez les habitants des grandes villes (31% envisagent de partir), notamment de la région parisienne (36%). Au-delà des déclarations d’intention, peut-on d’ores et déjà parler d’un phénomène massif de migration des grandes métropoles vers les campagnes, qui serait favorisé par le développement du télétravail ? Rien de moins sûr. Une étude Harris Interactive publiée début 2021 montre que si une part importante d’urbains (64%) déclarent souhaiter déménager, ce n’est pas nécessairement pour quitter la ville, au contraire : près de la moitié envisageraient de s’installer dans une autre ville. Et ce désir semble regagner en intensité au fil des mois, alors que l’attrait pour les zones rurales observé à la rentrée 2020 se stabilise.
Aller télétravailler dans le Lot ou le Gers ? Pas si simple.
Outre le coût du déménagement, s’installer ailleurs peut représenter une charge financière non négligeable. Même pour les cadres qui souhaiteraient rebondir sur le télétravail pour élire domicile loin des grandes villes, la décision n’est pas évidente. Si 85% des entreprises veulent pérenniser le télétravail, selon l’ANDRH, et 83% revoir à la hausse la part des postes éligibles au travail à distance, elles sont 50% à vouloir limiter le nombre de jours télétravaillés à deux par semaine. Voilà qui risque de compromettre le déménagement des Parisiens dans le Lot ou dans le Gers. En revanche, ils pourraient bien s’éloigner de leur entreprise pour s’en aller vivre au vert tout en restant en Ile-de-France, dans des villes distantes de 20 à 40 kilomètres de la capitale. Selon Cadremploi, 83% des cadres franciliens seraient d’ailleurs prêts à envisager une mobilité régionale en Ile-de-France : Saint-Germain-en-Laye, Gif-sur-Yvette, Maisons-Laffitte, Yerres ou encore Montigny-le-Bretonneux. La France n’est pas un pays multilocalisé comme l’Allemagne. Les équilibres entre Paris et les zones rurales ne sont pas près d’être vraiment bousculés. Si exode urbain il devait y avoir, il s’opérerait sans doute à la faveur des villes moyennes situées à proximité des grands centres urbains.