Un marché du travail plus ouvert
Dès mars 2020, les économistes alertaient l’opinion sur les répercussions destructrices pour l’économie de la pandémie et des mesures de confinement. L’impact spécifique du télétravail sur le marché de l’emploi, en revanche, semble pour l’instant échapper aux conjectures. Rare analyse sur le sujet, une étude menée par Boston Consulting Group estime que le travail à distance durant la pandémie aura permis de sauver 250 000 emplois en France. D’autres études ont tenté de montrer un lien entre télétravail et productivité.
Le télétravail a dopé les métiers du numérique et de la logistique.
Mais la rigueur scientifique exigerait ici que l’on prenne en compte des biais conjoncturels de contrainte, de motivation, d’inquiétude… ainsi qu’un diagnostic très fin du niveau d’équipement des salariés à domicile. « L’impact du télétravail sur la productivité dépend de facteurs multiples, comme la taille de l’entreprise, ou encore la nature des missions effectuées. Selon qu’il s’agit de tâches répétitives ou de tâches créatives, la pondération du télétravail sur la performance individuelle et collective sera différente », ajoute Gilbert Cette, économiste, professeur à l’Université d’Aix-Marseille.
Les offres d’emploi en télétravail total ou partiel explosent
Au-delà des effets de volume et productivité, on peut légitimement supposer que la mutation des organisations du travail aura des impacts sur les contours, la qualité et la nature de l’emploi. La dernière édition de « The Future of Jobs », étude réalisée chaque année dans le cadre du Forum économique mondial, montre d’ores et déjà que le nombre de demandeurs d’emplois cherchant un poste en télétravail a doublé après douze mois de crise sanitaire. Sur tous les jobboards, la part des annonces mentionnant un télétravail total ou partiel explose. Selon une étude d’Adecco Analytics réalisée entre mars 2020 et février 2021, les offres d’emploi ouvrant au télétravail dessinent en un an une croissance de 170%. Les emplois proposés en télétravail sont plus nombreux dans les grandes métropoles, a fortiori dans les capitales. Une analyse menée par la plateforme d’emploi Indeed à partir de ses données pour la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Angleterre constate ainsi une surpondération de ces offres à Paris (4 points), Berlin (7,3 points), Madrid (5,4 points), et Londres (2,6 points) par rapport à la moyenne de ces quatre pays.
A quand un salaire indexé sur le lieu de résidence ?
Les employeurs n’hésitent plus à proposer deux lieux de travail possibles : le siège ou un tiers-lieu (domicile ou espace de coworking). La souplesse géographique déteindra-t-elle sur les rémunérations ? En mai 2020, Mark Zuckerberg, le patron de Facebook, avait créé une vive polémique en annonçant un ajustement des salaires de ses collaborateurs en télétravail sur leur lieu de résidence. En France, quelques start-up ont déjà amorcé des politiques de rémunérations différenciées pour les télétravailleurs des deux côtés de la ceinture francilienne. Distance pour distance, les entreprises vont désormais chercher au-delà de leur bassin d’emploi les meilleurs profils. Elles n’ont d’ailleurs plus le choix. En accélérant le recours aux nouvelles technologies, le télétravail a accentué la pénurie de compétences numériques. Hyper-croissance du e-commerce oblige, les tensions se font également sentir de manière critique sur les métiers de la logistique, notamment de la logistique urbaine, rouages indispensables à l’acheminement des produits de première nécessité et à l’explosion de la livraison à domicile. Un phénomène directement imputable au télétravail.