Les agents territoriaux, eux aussi, télétravaillent
Après un petit retard à l’allumage, les collectivités ont été rapides dans la mise en place de nouvelles organisations du travail. Avec une exigence majeure : la continuité de service public.
Faible culture de l’urgence et de l’autonomie, carences dans les équipements et les outils distanciels : dans les administrations territoriales, la mise en œuvre du télétravail n’était pas gagnée d’avance. « Nos métiers sont très majoritairement concentrés sur des fonctions non télétravaillables : production (sur l’espace public), vis-à-vis (logique de guichet) ou présentiel (école, petite enfance). Ceci explique sans doute que la culture des employeurs n’était pas très avancée en matière de télétravail, affirme Emmanuel Gros, vice-président national du Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT). Pour autant, une fois le processus amorcé, les collectivités ont été plus rapides que les entreprises privées. » Confirmation du DRH de Nantes et Nantes Métropole, Patrick Coroyer : « Il y a quatre ans, nous n’avions aucun agent en télétravail à Nantes, il y a trois ans, on en comptait quarante, aujourd’hui 1 400 sur les 3 500 exerçant des métiers réalisables à distance. »
90 millions d’euros pour investir dans les outils numériques
Le casse-tête des DRH territoriaux consiste à conjuguer réduction des interactions sociales et impératif de continuité de service auprès des administrés.
Le principe de la symétrie des attentions joue pleinement.
Il a fallu adapter les roulements de prise de poste dans les transports, aménager les horaires d’ouverture des services ouverts au public, en privilégiant la prise de rendez-vous, reconfigurer les espaces d’accueil pour garantir le respect des règles sanitaires. « La réflexion sur les organisations est très étroitement liée à celle des outils. Beaucoup d’agents ne disposent pas chez eux d’un matériel adapté », souligne Patrick Coroyer. Conscient du décalage entre les besoins et les ressources, le gouvernement a débloqué dans le cadre du plan de relance une enveloppe de 90 millions d’euros pour soutenir l’investissement des collectivités dans les outils à distance, les dossiers numériques et la dématérialisation.
Suresnes, ville pionnière
La Ville de Suresnes fait partie des collectivités pionnières dans la mise en place du télétravail. Dès 2017, un accord spécifique signé par la CGT, la CFDT et FO donnait lieu à une expérimentation auprès de 43 agents volontaires, issus de fonctions et de catégories variées (services fonctionnels et opérationnels, catégories A, B et C). « Cette première expérience s’est avérée concluante : réduction des temps de transport, diminution de la fatigue, augmentation de la concentration et meilleure performance au travail », commente Béatrice de Lavalette, adjointe déléguée aux ressources humaines et au dialogue social. De quoi conforter l’employeur, dès octobre 2019, dans le déploiement du modèle auprès de tous les agents identifiés comme éligibles, soit 250 postes au total (25% des effectifs permanents de la commune). Comme les employeurs privés, les collectivités territoriales éprouvent aujourd’hui leurs nouvelles organisations. « Les agents sont d’évidence demandeurs. Mais le principe de la symétrie des attentions joue pleinement. La qualité du service rendu au public repose aussi sur leur bien-être. Il faut tout d’abord ériger le volontariat en règle absolue et ensuite veiller aux phénomènes d’usure », note Patrick Coroyer.