Une opportunité de reconfiguration des équilibres territoriaux
Le développement du télétravail ouvre des opportunités inédites de revalorisation des petites et moyennes communes. A condition pour elles de penser une offre globale de services susceptible de répondre aux nouveaux usages.
Dans les années 80-90, les tout premiers rapports sur le télétravail émanaient de la Datar, l’ancienne délégation interministérielle à l’aménagement du territoire. Si au tournant des années 2000, le ministère du Travail a repris la main sur ce type d’études, la résonance entre nouvelles organisations du travail et politiques territoriales demeure pertinente à plus d’un titre. Le développement de nouveaux modes de travail pourrait en effet inspirer de nouvelles spatialités, de nouveaux équilibres entre les territoires, a minima des perspectives de développement pour les zones rurales. Depuis plusieurs décennies, la concentration de l’emploi dans les grandes agglomérations et la périurbanisation autour des grands pôles économiques ont creusé la distance entre lieux de travail et lieux de résidence des actifs. Avec pour résultats des navettes de plus en plus longues et coûteuses pour les actifs, les entreprises et l’environnement, mais aussi un risque de marginalisation des populations aux capacités de mobilité limitées. Le développement du télétravail, en drainant les emplois dans les zones jusqu’alors moins nanties, résonne comme une promesse de démétropolisation et donc de meilleure cohésion territorale. C’est pourquoi plusieurs départements ruraux (Lot, Cantal, Lozère, Côtes-d’Armor) ont pris des initiatives pour soutenir le développement du télétravail.
Au-delà des bassins d’emploi, des « bassins de services »
Mais le succès de telles démarches requiert une condition express : la capacité des territoires à coupler télétravail et démarches volontaristes d’accès aux services publics.
Coupler télétravail et démarches d’accès aux services publics.
La nouvelle géographie du travail doit être la pierre angulaire d’une stratégie politique de relocalisation, au-delà de la stricte dimension de l’emploi. Car l’attractivité d’un territoire, demain, ne sera pas seulement suspendue à la configuration de son bassin d’emploi, mais à sa capacité à construire et animer un véritable « bassin de services », incluant une globalité d’offres de services en circuit court. Un cadre de vie à taille humaine que les Français appellent d’ailleurs de longue date de leurs vœux, en plébiscitant la figure de la ville moyenne, combinaison des avantages de la grande ville (commerces, services publics, innovation et culture) et de la petite (proximité de la nature, qualité de vie). Signe des temps, les villes moyennes sont aujourd’hui majoritairement (48%) perçues comme plus dynamiques économiquement qu’il y a une dizaine d’années et plus attractives (56%), selon une enquête de la Fabrique de la Cité de novembre 2020.
Des résidences secondaires… dans les grandes villes
Les communes et les départements ruraux devront tout de même lever pas mal de freins. L’engouement des Français pour les résidences secondaires, largement médiatisé, n’efface pas une réalité plus contrastée : lorsque l’Insee et l’Institut notarial de droit immobilier observent de plus près les 3,6 millions de résidences secondaires (soit 10°% du parc de logement national), il apparaît que 44% de ces logements sont des appartements et 23% se trouvent dans des villes de plus de 100 000 habitants. La résidence au milieu des champs relève donc encore massivement du mythe et les équations territoriales sont encore, de facto, bien ancrées. Les grandes villes tiennent encore d’autant mieux la corde qu’elles se donnent les moyens de préparer l’avenir. Certaines d’entre elles, à l’image de la capitale d’Aquitaine avec son programme « Bordeaux 2050 », se sont même lancées dans des démarches prospectives charpentées.