Le travail « out of the box »
Du coworking aux fablabs, en passant par la formation : une nouvelle génération d’espaces hybrides est en train d’essaimer partout sur le territoire.
Ils étaient 1 800 en 2018, ils seront entre 3 000 et 3 500 fin 2022. Les tiers-lieux, espaces partagés de travail, de créativité, d’innovation et/ou de production fleurissent partout sur le sol français. « C’est le fait de société le plus important depuis le mouvement d’éducation populaire. Le développement des tiers-lieux est une lame de fond qui va marquer de son empreinte l’ensemble des territoires. Et pour cause : il répond à la quadruple révolution du travail, du numérique, de l’écologie et de l’apprentissage par le faire », affirme Patrick Levy-Waitz, président de France Tiers-Lieux et de la fondation Travailler autrement.
100 000 à 150 000 télétravailleurs réguliers
Les tiers-lieux sont pour la plupart des structures sous statut associatif, co-administrés par des acteurs publics (notamment les territoires) et privés soucieux d’accueillir des citoyens, des salariés, des indépendants, des PME, des start-up, des artisans, des associations autour de services variés : coworking, fablabs, ateliers, expositions, conférences-débats, formation, etc. En 2019, deux millions de personnes ont eu recours à ces espaces plurifonctionnels et quatre millions y ont participé à un événement. On estime en outre que 100 000 à 150 000 personnes viennent régulièrement y travailler.
Entre 3 000 et 3 500 structures en France fin 2022.
Avant la crise sanitaire, les employeurs étaient de plus en plus nombreux à y envoyer leurs collaborateurs, plutôt en petits effectifs. « L’essor du télétravail ouvre une véritable rampe de lancement pour le développement des tiers-lieux, outil tout trouvé pour maintenir le lien entre les salariés et leur employeur, mais aussi entre les actifs et la communauté sociale. Le coworking représente déjà aujourd’hui de 30 à 40% des services proposés. Et le fait que 50% des financements proviennent d’acteurs privés est le signe de l’intérêt que les entreprises portent au mouvement », note Patrick Levy-Waitz.
Modèle économique et taille critique
Reste pour cette nouvelle génération d’espaces hybrides à faire la preuve de sa solidité économique. Celle-ci appelle plusieurs prérequis. Le premier relève de l’acculturation. Il faut que les diverses typologies de publics qui composent la vie des tiers-lieux se parlent, se comprennent et agissent ensemble : porteurs de projets, collectivités locales, entreprises, associations, travailleurs indépendants, acteurs de l’immobilier… Deuxième défi : l’accompagnement. Les tiers-lieux peinent souvent à trouver leur modèle économique et à atteindre une taille critique pour pouvoir impacter le territoire. Ils font face également à des enjeux de professionnalisation. Autant de fragilités qui justifient une action publique adaptée. Surtout, le réseau des tiers-lieux n’est pas encore suffisamment structuré et leur maillage est encore un peu trop lâche pour satisfaire les besoins des entreprises, quelle que soit leur taille. Enfin, fréquenter un tiers-lieu représente un coût et les modalités de financement manquent de cadrage. « Néanmoins, chacun s’accorde sur le fait que le travail en tiers-lieux permet aux salariés comme aux entreprises, grandes ou petites, d’adopter de nouvelles organisations de travail, d’innover, de penser “out of the box“ », soutient Patrick Levy-Waitz.