« Le télétravail est acté, on ne reviendra plus en arrière »
Comment le télétravail impacte-t-il les ressources humaines des entreprises ?
La crise sanitaire et les confinements successifs ont apporté la preuve que le télétravail était possible. C’est acté, on ne reviendra plus en arrière. Partout, les entreprises négocient et signent des accords sur le télétravail. Les annonces de recrutement intégrant le télétravail sont en très forte progression. Pour autant, il est encore trop tôt pour tirer tous les enseignements d’un nouveau modèle d’organisation qui s’est imposé à marche forcée. Avec le télétravail ont émergé de nouvelles réalités. Les DRH, qui ont été en première ligne durant toute cette année de crise, ont notamment vu monter les attentes et les exigences individuelles, avec lesquelles ils vont désormais devoir composer, eux qui ont été formés à penser « collectif ». Le management ne sera plus le même. Il devra promouvoir l’autonomie, la transparence et le collaboratif. Il va aussi falloir gérer la cohésion sociale entre les collaborateurs qui peuvent télétravailler et ceux qui ne le peuvent pas. C’est l’un des grands enjeux pour les entreprises.
Quel rythme de télétravail préconisez-vous ?
Les enquêtes menées auprès des 5 000 membres de l’ANDRH montrent que le télétravail agit de manière positive sur la productivité, à condition de ne pas dépasser deux jours sur cinq de travail à domicile par semaine. En fait, le télétravail perd de son efficacité et de sa valeur à partir du moment où le temps passé dans l’entreprise est moins important que le temps passé à la maison. Il y a là un point de bascule auquel il faut que l’ensemble des acteurs demeure très vigilant.
Le 100% télétravail expose les salariés à des risques non négligeables.
Ce qui est incontestable, c’est que télétravailler cinq jours sur cinq expose les salariés à des risques non négligeables. Le surinvestissement, le stress, la sédentarité génèrent des troubles significatifs de la nutrition et du sommeil. Les DRH constatent pour leur part des phénomènes de décrochage, avec des collaborateurs qui s’isolent de plus en plus, qui commencent par couper la caméra lors des vidéo-conférences, puis parfois par disparaître des radars. Ce n’est pas un hasard si, en pleine période de confinement et malgré une prescription de télétravail à 100%, le gouvernement a fini par proposer aux salariés qui le souhaitaient de revenir au bureau un jour par semaine. L’ANDRH a intensément milité dans ce sens.
À une échelle plus économique, quelles sont les premières conséquences du télétravail pour les entreprises ?
Nous constatons, dans les territoires un phénomène émergent, mais bien réel, de fermeture de sites. Les entreprises ont compris que le télétravail allait s’installer, qu’on ne reviendrait pas en arrière, et ont amorcé des plans de réduction de leur surface immobilière. Cette tendance concerne très majoritairement les petites implantations de plus grandes entreprises : souvent des sites de moins de 30 salariés, que les employeurs vont tenter d’orienter vers des espaces de co-working. Voilà d’ailleurs une autre conséquence déjà à l’œuvre du développement du télétravail, et qui va s’accélérer très fortement dans les territoires : l’essor des espaces de travail partagés. On voit déjà les hôtels s’engouffrer massivement dans la brèche. Il y a certainement ici un terrain de réflexion commune aux divers acteurs de l’emploi à l’échelle des territoires.