« Deux enjeux majeurs : le financement et la fréquentation »
Dans quel état financier se retrouvent les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ?
Sur l’année 2020, les recettes tarifaires ont diminué de 30 à 35%. Depuis novembre, l’offre de transport a été ramenée à 100%, avec une fréquentation de 50% par rapport aux chiffres de 2019. La baisse du versement mobilité (VM) des entreprises a été moins catastrophique que nous le redoutions en mars 2020. Le VM a baissé d’environ 5% en 2020, avec environ – 5,8% en Île-de-France et – 4% en régions. Grâce au soutien de l’État, les AOM ne se sont pas effondrées.
Va-t-on vers une baisse durable de la fréquentation, suite à la crise sanitaire ?
Oui, ce risque continue cette année. On va probablement vers une baisse durable de la fréquentation, du fait de la baisse de confiance.
Le mode ferroviaire n’est pertinent qu’avec des flux massifiés.
Même s’il y a très peu de foyers de contamination dans les transports publics, mais les images de passagers entassés dans le métro ou le train, alors que l’on ferme les commerces ou les restaurants, sont ravageuses pour l’image des transports publics. Les risques de difficultés financières sont aussi liés à la diversification des modes de déplacement. La Covid-19 a vu le retour en force de la voiture, et, à un degré moindre, l’augmentation du vélo.
Quels sont les défis à relever pour les AOM ?
Le défi du financement, avec la commission Duron, mandatée par le gouvernement pour faire des propositions en juin, sur le nouveau business model des services publics de mobilité. Regagner la confiance des clients. La digitalisation de la mobilité, avec l’instauration du Maas (Mobility as a service). La sanctuarisation du VM, alors que le Medef exerce une pression très forte pour remettre en cause cette taxe sur les salaires. La mise en œuvre de la loi LOM, avec notamment une cohérence à travailler entre les régions et les AOM.
Le versement mobilité est-il à ce point important dans le financement des transports publics ?
C’est simple : s’il n’y a plus de VM, il n’y a plus de transport public en France. Le VM finance 47% du transport public en province ! D’où la nécessité de le préserver. Mais, au moment où les autorités organisatrices engrangent moins de recettes, le passage à la gratuité, comme à Montpellier, peut interroger. Le Gart préconise plutôt une tarification solidaire, comme à Strasbourg, Grenoble ou Rennes. C’est un outil de justice sociale, tout en gardant les mêmes recettes pour financer et développer le transport public.
Malgré ces difficultés, le mode ferroviaire reste-t-il un transport d’avenir ? Comment stimuler sa fréquentation ?
Le mode ferroviaire est un transport adapté aux besoins de mobilité des usagers. Il faut veiller à la fréquentation. Car le mode ferré n’est pertinent, d’un point de vue économique, qu’avec des flux massifiés. Pour y parvenir, il ne manque pas d’atouts. Il présente des avantages de sûreté, et a un intérêt écologique énorme : trois fois moins émetteur de CO2 que le bus, six fois moins que la voiture individuelle. D’ailleurs, malgré la Covid-19, les collectivités ont très peu diminué leurs services de mobilité. Preuve que ces services sont considérés comme une priorité politique.
Décalent-elles néanmoins des projets d’investissements ?
Les investissements sont maintenus à un niveau soutenu, mais, d’après une enquête récente, 27% des collectivités déclarent reporter le renouvellement du matériel roulant. On espère un prolongement du 4e appel à projets pour les transports en commun en site propre (450 millions d’euros). Cela nous permettrait de continuer à accompagner des intercommunalités qui ont des projets.