Relance du fret ferroviaire : comment transformer l’essai ?
La France est à la traîne en matière de fret ferroviaire, avec 9% du trafic de marchandises, loin derrière l’Allemagne (18%), l’Autriche (32%) et la Suisse (35%). Le modèle routier, plus compétitif et plus souple, reste ultra dominant.
Face aux engagements environnementaux, l’ambition du gouvernement est de doubler la part modale du rail pour le transport de marchandises, afin de revenir dans les standards européens… et au niveau national du début des années 2000. Cette ambition, même relative, est questionnée par des éléments conjoncturels, comme la grève contre la réforme des retraites ou la crise du Covid-19.
Les chargeurs s’intéressent de plus en plus à la solution ferroviaire.
Mais aussi par des enjeux plus structurels, relevés par la coalition 4F (Fret ferroviaire français du futur), regroupant les entreprises ferroviaires, les acteurs du combiné, les fabricants de wagons et les opérateurs de proximité : développement de terminaux, remise en état des capillaires et des voies de services, aides à l’exploitation de 200 M€ par an (subventions au wagon isolé, baisse des péages…), meilleure gestion des sillons, construction du contournement ferroviaire de Lyon… Le coût de ces solutions est évalué à 15 Md€ sur 10 ans. En juillet 2020, le Premier ministre Jean Castex a donné des premiers gages, en annonçant la réouverture de trois autoroutes ferroviaires (Bayonne-Cherbourg, Sète-Calais et Perpignan-Rungis), ainsi que la gratuité des péages en 2020 sur les sillons empruntés par les trains et la division de leur prix par deux jusqu’à fin 2021.
Réintroduire la mixité et élaborer une stratégie de hubs logistiques
Un premier geste, mais il faut aller plus loin, face à l’ampleur du défi. Michel Colombié, président de l’Observatoire régional des transports Occitanie, plaide par exemple pour des solutions mixtes fret et voyageur. « La SNCF a abandonné la mixité. Amazon et La Poste n’utilisent pas du tout le fret ferroviaire. Or, les colis, un marché en progression de 30% par an, pourraient tout à fait s’intégrer dans des wagons de voyageurs, dans une logique d’optimisation de l’exploitation. » Il alerte également sur les retards pris en matière numérique. « Il faut automatiser les procédures de contrôle. Le réseau dépend trop de vieilles technologies. La comparaison avec les check-up des avions par des calculateurs n’est pas à l’avantage de Fret SNCF… » Autre chantier à enclencher sans tarder, « l’élaboration d’une stratégie globale de plateformes logistiques. La France manque de vrais hubs pour faire du report modal. La complexité administrative pour faire aboutir ces équipements indispensables devient un enjeu clé », décrypte Michel Colombié. L’organisation du transport ferroviaire est encore trop lourde, déphasée par rapport au temps entrepreneurial, pour être compétitive. « Un opérateur ferroviaire doit déposer ses sillons un an à l’avance. Et quand les sillons sont validés, il faut les payer. Difficile d’être agile avec un processus aussi lourd. Sans compter que la structure gestionnaire n’est pas indépendante… » Des changements profonds pourraient intervenir, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a plus le choix. « Les chargeurs réfléchissent de plus en plus à la façon de transporter les remorques et conteneurs par voie ferroviaire, observe Olivier Carmès, directeur du port de Sète. Les solutions sont certes longues à mettre en place, mais une fois qu’elles le sont, les trafics deviennent réguliers ». « La transition écologique en matière de fret ne pourra passer que par le ferroviaire », renchérit Franck Dupont, associé du cimentier Cem’In’Eu.