Les régions face au défi de la mise en concurrence de la SNCF sur les TER
Avec l’ouverture des trafics TER à la concurrence, et les élections régionales en juin, les cartes des mobilités régionales sont rebattues, les modalités des appels d’offre aussi.
« Les régions ont compris que leur sort ferroviaire pouvait être amélioré par la concurrence », analyse le journaliste Gilles Dansart (Mobilettre). Quatre TER se sont engagés sur la voie d’une mise en concurrence : Sud, Hauts-de-France, Grand Est et Pays de la Loire (et l’Ile-de-France pour Transilien). Grand Est et Sud sont les deux régions les plus en avance.
Dans le Grand Est, deux lignes ouvertes à la concurrence
Tout d’abord, Nancy-Vittel-Contrex Ville, ligne de 89 km desservant un pôle touristique important. « SNCF Réseau a fermé la section de ligne entre Pont-Saint-Vincent et Vittel (66 km) fin 2016. Dans le cadre de la convention TER, la possibilité d’expérimenter l’ouverture à la concurrence sur un tronçon isolé était inscrite », explique Mireille Gazin, présidente de la commission Transports et déplacements de la région Grand Est. La remise en état de cette section de ligne est chiffrée à 66 M€.
Nous ouvrons à la concurrence pour challenger la SNCF.
Autre lot ouvert à la concurrence, Bruche-Piémont-Vosges, comprenant notamment le tronçon Épinal-Saint-Dié-des-Vosges (49 km) fermé à la circulation ferroviaire fin 2018. « Les deux appels d’offres sont innovants car ils portent à la fois sur des missions de gestionnaire d’infrastructure et d’exploitation ferroviaire, explique l’élue. Nous ouvrons à la concurrence pour empêcher la dégradation des infrastructures et les fermetures de lignes, et pour challenger la SNCF. » Les nouveautés escomptées ? L’amélioration de l’information en temps réel de l’usager, une meilleure régularité et propreté des trains, la gestion des gares, la relation clients… Le futur concessionnaire pourra par ailleurs proposer de verdir le parc de matériel roulant. La région Grand Est a retenu les candidats admis à présenter leur offre. « Il y en a plusieurs, en groupement.
Le choix d’intégrer la régénération et la maintenance de l’infrastructure à l’exploitation ferroviaire suscite de l’intérêt », complète-t-elle.
La région Sud met la pression sur la SNCF
« Mettre une pression maximale sur la SNCF. » Philippe Tabarot, vice-président de la région Sud délégué aux Transports et à l’intermodalité, ne cache pas les intentions de la collectivité. Depuis une année 2016 « catastrophique » de la SNCF (25% de trains annulés ou en retard), deux appels à manifestation ont été lancés, avant même que les directives de Bruxelles soient retranscrites en droit français. En février 2020, survient la procédure d’appel d’offres, qui porte sur deux lots représentant 33% du réseau régional : l’étoile ferroviaire niçoise et la ligne Marseille-Toulon-Nice. « Sur le premier, la région fournit le matériel, et l’opérateur devra livrer un centre de maintenance à Nice-Saint-Roch ; sur le second, le futur exploitant devra livrer du matériel nouveau, en remplacement des vieux trains Corail, ainsi qu’un centre de maintenance à Nice-Ville. » Les offres définitives ont été reçues le 15 février dernier. Le dialogue concurrentiel est en cours, et le choix des opérateurs interviendra en août. « Avec deux nouveaux centres de maintenance et du nouveau matériel, nous pourrons doubler l’offre, à un coût moindre », ajoute Philippe Tabarot. La région Sud aura le choix : « Plusieurs opérateurs – dont la SNCF – ont répondu », sourit l’élu. Il admet que la SNCF a réalisé « d’énormes progrès », et que « la première de nos motivations, qui consistait à booster l’opérateur historique, est réussie ».
« Passer d’opérateur subi à opérateur choisi »
Bousculée, la SNCF réagit avec calme. « C’est un défi pour nous, mais surtout l’occasion de démontrer nos savoir-faire, réagit Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs. Il s’agit de passer d’opérateur subi à opérateur choisi. Nous répondrons présent à tous les appels d’offres. » L’opérateur historique peut aussi compter sur des soutiens parmi des exécutifs régionaux, qui font le choix de ne pas ouvrir à la concurrence. « L’ouverture à la concurrence des TER ne réglera pas les retards, les annulations, les trains bondés, déclare Carole Delga, présidente de la région Occitanie. Pour que des trains circulent correctement, il faut d’abord un réseau en bon état. » Mais « si on veut que le ferroviaire ait un nouveau départ dans les années 2020, la SNCF ne pourra pas le faire toute seule, conclut Gilles Dansart. Pour aller vite et différemment, il faut encourager une nouvelle économie du ferroviaire, qui peut être coopérative comme à travers le projet RailCoop (Bordeaux-Lyon), ou des filiales de groupes étrangers. »