L’ambition ferroviaire mise à l’épreuve par la crise sanitaire
Comment ramener de la confiance chez les usagers ? Depuis 14 mois, environ 50% d’entre eux se sont détournés du ferroviaire, tous modes confondus (métro, tram, TGV, TER, Transiliens…). La SNCF veut accélérer la refonte de la grille tarifaire TGV.
Les opérateurs ferroviaires et autorités organisatrices de la mobilité vivent une situation paradoxale. Du fait de la crise sanitaire, les clients les fuient en partie, alors que les politiques publiques, se rendant compte des vertus écologiques et de massification du train, adoptent des mesures favorables au secteur. « Il faut rappeler qu’il n’y a pas de risque de contamination dans les transports en commun. Des études internationales vont en ce sens, affirme Bruno Gazeau, président de la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports). La plus récente, réalisée par Transport of London, montre bien qu’il n’y a aucune preuve de foyer de contamination dans le métro… Mais les gens ne le croient pas. »
Des affichettes mentionnant les heures de désinfection pour rassurer les usagers
De gros efforts de communication attendent donc les autorités organisatrices de la mobilité et les opérateurs ferroviaires. Il s’agit d’enrayer des baisses abyssales de recettes commerciales – Île-de-France Mobilités table sur 1 Md€ de pertes en 2021 et s’apprête à demander un nouveau plan d’aide à l’État. « Il faut rendre visible le nettoyage, en plaçant des affichettes dans le métro qui mentionneront les heures de désinfection, comme le font les sociétés d’autoroutes dans les toilettes des aires de repos, enchaîne Bruno Gazeau. Du coup, les gens y croiront. » Dans l’agglomération toulousaine, le syndicat mixte Tisséo Collectivités essuie en 2020 une perte de 50 M€, « avec des incertitudes pour l’avenir, et alors que nous étions à l’équilibre en 2019 », rapporte son président, Jean-Michel Lattes. Outre les recettes commerciales, l’évolution du versement mobilité (VM) par les entreprises pose question, alors que bon nombre d’entre elles se retrouvent en difficulté. Dans la région de Toulouse, le VM représentait 250 M€ en 2019, à comparer aux 100 M€ rapportés par les recettes commerciales. Face à ces incertitudes budgétaires, Tisséo Collectivités a décidé de reporter à 2028 la mise en service de la 3e ligne de métro, initialement prévue en 2025.
Face à une désaffection de la clientèle premium, un nouveau plan pour le TGV
Un cadre de SNCF Réseau se veut néanmoins rassurant pour les déplacements du quotidien, « qui devraient assez vite retrouver leur niveau de fréquentation d’avant-Covid ».
La SNCF anticipe une baisse structurelle de la clientèle affaires dans les TGV.
L’inquiétude est plus marquée quant à un retour à la normale pour les voyages d’affaires. En 2020, le chiffre d’affaires du TGV a dévissé de plus de 50%, a indiqué Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF, lors de la présentation des résultats annuels, le 24 février. « La crise pandémique a généralisé le télétravail et les visioconférences », constate le patron du groupe ferroviaire, qui anticipe une baisse structurelle, « comprise entre 10 et 15% », des voyageurs premium. Il va falloir compenser, « en boostant la clientèle privée et loisirs ». Cela passera par un « TGV pour tous, un TGV populaire ». Pour cela, il mise sur deux leviers, avec notamment une nouvelle tarification, « moins chère et plus lisible », dont les premiers résultats sont attendus « cet été. Il faudra probablement plusieurs étapes pour rénover totalement les gammes tarifaires TGV ». Autre motif d’espoir, « la prise de conscience écologique des Français. À prix égal, les usagers choisiront le train, qui incarne une mobilité durable ». « Voyager en TGV, c’est émettre 50 fois moins de CO2 qu’en voiture et 80 fois moins qu’en avion », martèle ainsi la campagne « Planète Voyages » lancée en début d’année. Suffisant ?