Formation et déontologie, enjeux du maintien de l’ordre
Le nouveau « Schéma national du maintien de l’ordre » apporte quelques améliorations à une doctrine qui, sur le fond, reste inchangée.
« Une étape cruciale dans la pratique du maintien de l’ordre en France ». C’est ainsi que le ministre de l’lntérieur, Gérald Darmanin, a présenté le 17 septembre 2020 le nouveau « Schéma national du maintien de l’ordre » (SNMO). Cette nouvelle doctrine, pour la première fois commune aux policiers et aux gendarmes, est issue du travail de plus d’un an de parlementaires, d’experts, de policiers et gendarmes, de syndicalistes ou encore de journalistes.
Des stratégies policières plus lisibles et compréhensibles
Ce nouveau cadre intervient après de nombreuses controverses sur la gestion des manifestations par les forces de l’ordre, notamment lors du mouvement des « Gilets jaunes ». Parmi les mesures proposées : un encadrement renforcé des tirs de LBD, des grenades moins dangereuses, de nouvelles tactiques contre les « casseurs », une modernisation des sommations, des unités spécialement constituées disposant d’un « grand pouvoir de mobilité »…
Apprendreà la société le respect républicain des forces de l’ordre.
« Au-delà des mesures conjoncturelles, il faudrait apprendre à la société et surtout à la minorité violente et vindicative le respect républicain des forces de l’ordre », estime pour sa part Philippe Bilger, magistrat honoraire, ancien avocat général à la cour d’assises de Paris, « cela passe, certes, par l’école et l’éducation mais aussi et surtout par un pouvoir qui martèle sans concession la défense de la police et ce, tout en étant impitoyable avec les rares actes illégitimes de certains fonctionnaires. Parallèlement, il faut aussi apprendre à la police les exigences d’urbanité. Malheureusement, la formation des agents est dans ce domaine un peu trop brève ».
Des pistes d’amélioration
Quoi qu’il en soit, la nouvelle doctrine a suscité nombre de critiques notamment pour sa vision jugée trop manichéenne. Entre la manifestation autogérée et sans aucun débordement et celle qui, au moindre désordre, est qualifiée d’émeute, le SNMO n’envisagerait guère d’alternative. Pour définir cette approche dichotomique, Fabien Jobard et Olivier Fillieule, co-auteurs de « Politiques du désordre. La police des manifestations en France » (Seuil, novembre 2020), évoquent la notion de « brutalisation ». « On le voit à l’exemple du passage consacré à la dispersion, qui survient après les trois sommations. À cet instant, dit le rapport, tous, y compris les journalistes et les associations, doivent dégager les lieux, sous peine d’être interpellés. En une ligne, tous les efforts démontrés par ailleurs à l’égard des journalistes sont ruinés », détaille Fabien Jobard.
Des pistes d’amélioration, parfois à rebours du SNMO, ont pourtant été présentées par la commission des lois de l’Assemblée nationale relative « à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre » dans un rapport rendu public le 27 janvier 2021. Ce dernier, adopté à l’unanimité, exige notamment de préciser ce qu’est un « équipement défensif » permettant l’interpellation d’un manifestant et les règles de restitution des objets confisqués aux manifestants, d’encourager le recours aux unités spécialisées et formées au maintien de l’ordre, d’investir fortement dans la formation des agents et des unités appelés à intervenir, de bannir l’usage du lanceur de balles de défense à des fins de gestion des foules, etc…