Conduites addictives et criminalité : que peut faire un maire ?
Le maire n’est pas démuni face aux problèmes d’addiction que sa ville peut rencontrer. De nombreux outils et dispositifs tant répressifs que préventifs sont à sa disposition.
Une politique de prévention sur tous les fronts
Près de 14 millions de Français fument quotidiennement du tabac, 5 millions consomment de l’alcool et 900 000 du cannabis (source : MILDECA). Quant à la cocaïne, elle se diffuse avec environ 150 000 consommateurs réguliers. Les conduites addictives sont un défi majeur pour notre société. Sur le terrain, le maire y est confronté au quotidien avec les conséquences sur la santé, la tranquillité et la sécurité publiques. Si la prévention dans ce domaine ne relève pas directement de ses compétences, le maire y participe en déployant des politiques ad hoc, indispensables pour favoriser le mieux vivre ensemble dans sa commune.
Un guide pratique pour les maires
En novembre 2019, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) et l’Association des Maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) ont édité une nouvelle version du « Guide pratique du Maire face aux conduites addictives ». Ce livret présente les outils et références juridiques que les élus locaux peuvent mobiliser pour mener un plan d’actions adapté à leur commune.
Dans les faits, les outils sont nombreux. À commencer par des instances comme le Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) où s’inscrivent généralement des politiques de prévention aux addictions. Idem pour le Conseil des droits et devoirs des familles (CDDF) qui agit auprès des parents d’enfants en difficulté. La police municipale est également un vecteur essentiel pour faire respecter la législation et les arrêtés municipaux et sensibiliser les citoyens de la commune sur ce sujet.
De multiples leviers d’action
Le maire peut aussi avoir une action concrète à travers sa politique en faveur de la jeunesse et de l’enfance et son offre en matière d’animation et d’accueil. Le domaine social est tout aussi crucial en agissant via les Centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS). La mise en place d’actions de sensibilisation à la prévention des conduites addictives par les animateurs jeunesse dans le milieu du sport est une autre opportunité d’agir au quotidien.
La commune peut activer bien d’autres leviers : en tant qu’employeur, en sensibilisant et formant ses agents ; en tant que décideur sur le plan urbanistique, en aménageant des espaces publics ouverts ; dans le cadre de sa politique culturelle, en mettant en place des actions de prévention lors des manifestations organisées sur son territoire ; et enfin en sa qualité d’interlocuteur de proximité du milieu économique, en sensibilisant les employeurs à la prévention des risques professionnels potentiellement liés à la consommation de produits psychoactifs.
L’amende forfaitaire mise sur la responsabilisation des usagers
La loi du 23 mars 2019 a étendu l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) à la répression de l’usage illicite de stupéfiants. Avant sa généralisation à l’ensemble du territoire le 1er septembre 2020, cette nouvelle mesure a été expérimentée dès le 16 juin 2020 dans cinq villes pilotes : Rennes, Reims, Créteil, Lille et Marseille. L’amende forfaitaire de 200 euros s’applique à l’usage illicite de toutes les drogues.
Un dispositif complémentaire à ce qui se faisait auparavant.
En cas de non-paiement, le contrevenant risque jusqu’à un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende. Rennes a été retenue pour cette expérimentation du fait notamment de la présence du Centre national de traitement (CNT) des infractions sur son territoire. Au 25 février 2021, on avait procédé à 756 verbalisations en Ille-et-Vilaine, dont 433 pour la police nationale (57 %) et 323 pour la gendarmerie nationale (43 %). « Ce dispositif me semble avoir trouvé une place complémentaire à ce qui se faisait auparavant », déclare Philippe Astruc, procureur de la République au tribunal judiciaire de Rennes, « sur Rennes (zone police) par exemple, il y avait eu 421 verbalisations pour usage en 2018, 466 en 2019 et 766 en 2020 soit une augmentation de 65 % qui est clairement due à l’utilisation de l’AFD. On peut donc parler d’effet de cumul et non de substitution. Ceci correspond à la politique pénale que nous menons de “responsabilisation” des usagers afin de peser négativement sur la demande ». Selon Philippe Astruc, le bilan sur l’offre (trafic) ne sera perceptible que lorsque les verbalisations des usagers (demande) sera bien inscrite comme étant un risque pénal réel de nature à faire changer les comportements.