Des instruments de lutte contre la radicalisation à efficacité variable
Des grandes métropoles aux plus petites villes, la collaboration entre les élus locaux et les représentants de l’État peut s’appuyer sur de nouveaux outils déployés ces dernières années. Mais la mobilisation n’est pas toujours au rendez-vous.
Convention gouvernement / France urbaine : un bilan mitigé
Le 5 juillet 2016, l’État et l’association France urbaine, qui représente les métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et grandes villes, signaient une convention pour prévenir la radicalisation. Le but de ce partenariat était de fixer « un cadre d’objectifs en matière de formation des élus et des agents des collectivités urbaines, de renforcement des capacités de détection et de prise en charge des cas de radicalisation, et de mobilisation par France urbaine de ses relais territoriaux ». Près de cinq ans après cet
accord, le bilan reste incertain.
Des crédits limités qui obligent à faire des choix
Le Fonds interministériel de prévention de la délinquance a pu certes être sollicité par les collectivités pour financer des actions de prévention et de formation. Mais les crédits, limités, ont obligé les
préfectures à faire des choix sur les actions à financer. « Une sanctuarisation des moyens permettrait d’aller plus loin en matière de lutte contre la radicalisation et de moins brider les acteurs de la prévention de la délinquance que sont les collectivités territoriales », estime Kader Makhlouf, conseiller Europe, international et sécurité à France urbaine.
Il faut travailler sur toutes les formes de radicalités violentes.
« En 2016, comme en 2018 avec le Plan national de prévention de la radicalisation (PNPR) et la circulaire pour favoriser le dialogue entre l’État et les maires, les textes se focalisaient uniquement sur la radicalisation islamiste laissant de côté les autres formes de radicalité », regrette Kader Makhlouf, « or, il nous semble indispensable aujourd’hui de travailler sur toutes les formes de radicalités violentes que l’on rencontre sur nos territoires, comme celles en marge des mouvements populaires ou identitaires ou en lien avec les trafics de stupéfiants, et qui viennent tout autant impacter notre sécurité et notre cohésion sociale ».
Impliquer davantage les acteurs territoriaux
Dans ce contexte élargi des radicalités, les pouvoirs publics doivent faire preuve d’anticipation et prendre en compte des menaces qui sont par nature évolutives et multiformes. « Il est essentiel que les acteurs territoriaux ne soient plus simplement consultés, mais bien impliqués, en tant qu’acteurs, dans l’ensemble des démarches adoptées », demande le conseiller de France urbaine.
Enfin, il est d’autant plus difficile de faire un bilan qu’il n’y a pas eu d’évaluation nationale du PNPR depuis 2018. « De plus, la nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance vient tout juste d’être diffusée, alors que la précédente a pris fin en 2017. Ce décalage peut laisser perplexe », relève Kader Makhlouf, « ce retard, mis en parallèle avec de nombreux changements à la tête du secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR), nous interroge sur la priorité accordée par l’État sur un sujet hautement sensible ».
Six mesures gouvernementales impliquant les collectivités
En 2018, le plan du gouvernement de prévention de la radicalisation ne plaçait pas vraiment les collectivités au centre du dispositif. Toutefois, six des soixante mesures présentées préconisaient une plus forte participation des acteurs publics locaux à la détection des individus en voie de radicalisation via notamment la prévention et les prises en charge. Reste encore aujourd’hui à rendre tangible le partenariat entre les services de l’État et les collectivités territoriales.
• 1. Nommer des référents, élus et/ou coordonnateurs des CLSPD/CISPD pour renforcer l’échange d’informations avec les Cellules de suivi pour la prévention de la radicalisation et l’accompagnement des familles (CPRAF).
• 2. Élaborer un cadre national de formation en direction des élus et décliné au niveau territorial.
• 3. Développer des actions de coopération entre les collectivités et les services de l’État.
• 4. Renforcer l’action des conseils départementaux dans le suivi des enfants de familles de retour des zones d’opération de groupes terroristes.
• 5. Généraliser les plans de prévention de la radicalisation dans le cadre des contrats de ville.
• 6. Favoriser la recherche appliquée sur les évolutions du processus de radicalisation via le financement de doctorats.