Les nouveaux fronts de mobilisation des forces de l’ordre
Compte tenu de la prééminence du risque terroriste depuis les attentats de 2015 et des actions de maintien de l’ordre liées à la multiplication des manifestations, les forces de l’ordre voient leurs missions transformées.
Terrorisme, manifestations récurrentes, crise sanitaire, priorisation de la lutte contre les stupéfiants… ces dernières années, les forces de l’ordre se sont vu assigner de nouvelles missions qui changent en profondeur leur action au quotidien. « Ces nouvelles formes d’engagement posent la question du continuum de sécurité », souligne Grégory Joron, secrétaire général délégué du syndicat Unité SGP Police : « Très prenantes en termes de temps et d’effectifs, elles se font au détriment de nos autres missions : patrouilles, lutte contre la délinquance et les voies de fait sur l’espace public, surveillance… » Depuis les attentats de 2015, les forces de l’ordre sont constamment en situation de gestion de crise. « Avant, sur des événements comme la Fête de la musique, nous mobilisions 10 à 20 forces mobiles, chacune comptant entre 70 et 80 fonctionnaires. Depuis cinq ans, ce niveau de mobilisation est devenu la norme sur chaque manifestation », explique Grégory Joron.
Un refus d’obtempérer toutes les 30 minutes
Dans un contexte où la police est souvent contestée, la fatigue et le stress des personnels fragilisent leurs missions. Selon un bilan de la Direction générale de la police nationale, le nombre de policiers blessés en mission a doublé en quinze ans, passant de 3 842 à 7 399 entre 2004 et 2019, soit plus de dix fonctionnaires touchés chaque jour. Les outrages à dépositaires de l’autorité publique ont, quant à eux, augmenté de 5,3 %, pour s’établir à 28 558 en 2019. Les commissariats eux-mêmes ne sont plus des sanctuaires, comme en a témoigné l’attaque au mortier du commissariat de Champigny-sur-Marne, dans le Val-de-Marne, en octobre 2020. « Les personnels sont même désormais menacés dans leur sphère privée par une part certes infime de la population mais déterminée », note le secrétaire général délégué d’Unité SGP Police qui rappelle qu’« aujourd’hui la police enregistre un refus d’obtempérer toutes les 30 minutes, soulignant le niveau de délitement de l’autorité en général et la faible crainte de la réponse pénale ».
Formation et refonte de l’encadrement des carrières
Les difficultés croissantes rencontrées par les personnels dans l’exercice de leur fonction se traduisent par un taux de suicide particulièrement élevé par rapport à la moyenne nationale : 36 % de suicides en plus, selon une étude de 2010 réalisée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). En 2019, selon les chiffres fournis par la police nationale, 59 fonctionnaires de police ont mis fin à leurs jours, soit 60 % de plus qu’en 2018, contre 21 suicides de gendarmes. « Le réflexe politique consistant à distribuer des primes lorsque la colère monte dans les rangs de la police ne suffit plus », lance Grégory Joron.
Pour le responsable syndical, la solution passera par la prise en compte de deux fortes revendications des fonctionnaires de police : une meilleure formation et une refonte de l’encadrement des carrières. « La formation continue est aujourd’hui quasi inexistante. Elle se réduit dans le meilleur des cas aux trois tirs annuels réglementaires avec son arme de service. Et ce n’est pas l’e-learning qui va combler ce manque », constate Grégory Joron. « Quant à la gestion des carrières, les règles ayant changé pour éviter tout recours, les personnels n’ont plus aucun repère sur les mutations ou les promotions. Les outils managériaux ne sont plus adaptés et restent calés sur la politique du chiffre instaurée voilà 15 ans. »