Loi confortant les principes républicains : traiter les conséquences… mais aussi les causes
En cours d’examen au Parlement, la loi contre le « séparatisme » suscite un vif débat entre partisans de l’ordre public et ceux qui souhaitent davantage de mesures sociales.
Présenté en Conseil des ministres le 9 décembre 2020, le projet de loi confortant les principes républicains a été adopté le 16 février 2021 en première lecture à l’Assemblée nationale. Il a été examiné en séance au Sénat du 30 mars au 8 avril. Initialement baptisé loi contre le séparatisme et visant à combattre « l’OPA islamiste », ce texte aborde les questions de neutralité du service public, de lutte contre la haine en ligne ou encore d’encadrement de l’instruction en famille. Ce dernier point a d’ailleurs particulièrement cristallisé les débats à l’Assemblée.
La loi s’appuiera sur le couple « maire-préfet »
Les principales mesures portent sur la fin des imams étrangers détachés, le contrôle renforcé des financements étrangers des lieux de culte, l’incitation des lieux de culte musulmans à s’inscrire sous le régime de 1905, la limitation de l’instruction scolaire à domicile, un contrôle plus strict de l’école hors contrat, la création d’un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée et le principe de neutralité (religieuse) des agents de droit privé chargés d’une mission de service public.
Les élus locaux sont désormais « outillés juridiquement » pour agir.
Le projet de loi s’appuiera sur le couple « maire-préfet », les élus locaux étant désormais « outillés juridiquement » pour agir. « Il faut avoir le courage de défendre ce combat », déclare Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice LR du Val-d’Oise et autrice d’un rapport rendu le 7 juillet 2020 au nom de la commission d’enquête du Sénat sur la « radicalisation islamiste ». « Il faut en finir avec certains accommodements. Si des élus ne prennent pas de décisions, c’est au préfet de le faire », ajoute la sénatrice.
L’absence de volet social
La Défenseure des droits, Claire Hédon, s’est inquiétée que l’action publique se replie « une nouvelle fois dans la facilité apparente de la restriction des libertés » pour « atteindre un objectif d’intérêt général ». L’opposition de gauche mais aussi une partie de la majorité présidentielle condamne pour l’une ou regrette pour l’autre l’absence de volet social à ce texte, lui reprochant de relever essentiellement de l’« ordre public ». Selon la présidente du groupe socialiste, Valérie Rabault, la loi n’apporte « pas de réponse à la ghettoïsation ». « Il existe certes des territoires ghettoïsés, mais c’est justement parce qu’on a cédé », rétorque Jacqueline Eustache-Brinio. Deux conceptions donc diamétralement opposées quant aux remèdes à apporter à la montée de l’islamisme radical.
« Le dispositif législatif, focalisé exclusivement, depuis 2015, sur les attentats terroristes et la remontée de leurs filières, n’est plus opérant face à un djihadisme d’atmosphère qu’illustrent les derniers assassinats [en France]… C’est tout le défi de l’élaboration de la nouvelle loi, qui doit traiter les causes et non les seules conséquences », prévenait Gilles Kepel, spécialiste du monde arabo-musulman, dans une tribune publiée le 20 octobre 2020 dans Le Monde. Les annonces récentes et à venir de l’exécutif autour d’un plan de lutte en faveur de l’égalité des chances suffiront-elles à désamorcer ces critiques ?