L’inconfort des élus, tiraillés entre des idéaux et… la réalité du terrain
Livres à succès, personnalités médiatiques, progression du mouvement végan… Le bien-être animal semble être une cause entendue ! Pourtant, il n’est pas toujours simple pour les élus de concilier réalité des territoires et idéaux vertueux.
En 2017, à l’occasion de l’élection présidentielle, le bien-être animal est apparu pour la première fois dans certains programmes des candidats. Marine Le Pen souhaitait par exemple faire de la maltraitance contre les animaux une des priorités de son mandat. La représentante du RN en avait même fait sa 137ème proposition (sur un total de 144). D’autres, plutôt les candidats de gauche, revendiquaient une alimentation bio et respectueuse pour tous. D’autres enfin, comme Jean Lassalle, élu rural, avaient préféré ne pas s’engager sur ce terrain.
Pendant cette campagne électorale, un collectif de 26 ONG, dont la Fondation Brigitte Bardot et L214, avait demandé aux candidats leur position sur des sujets comme la castration à vif, l’étourdissement avant l’abattage, l’expérimentation à des fins médicales ou l’interdiction des cages. Le candidat du Parti socialiste Benoît Hamon était d’accord sur tout, sauf la suppression de la corrida et des combats de coqs. Emmanuel Macron arrivait bon dernier avec seulement 18 propositions retenues sur une trentaine, faisant preuve de pragmatisme et sachant qu’il était parfois difficile de faire des promesses qu’il ne saurait tenir.
On notera également que le bien-être animal s’est finalement imposé dans les discours des élus ou des candidats l’année dernière à l’occasion des Municipales. Conscients que les Français étaient très sensibles au sujet, notamment les plus jeunes, les prétendants ont redoublé de propositions à l’échelle locale. Qu’il s’agisse d’un candidat RN à Buxerolles, dans la banlieue de Poitiers, qui envisageait de créer une mutuelle municipale pour les animaux domestiques afin d’aider les maîtres à payer les frais de vétérinaire et ainsi éviter les abandons, ou de la création de pigeonniers à Tourcoing, dans le Nord. La sensibilité animale s’est invitée partout. Et gare à ceux qui auraient évacué le sujet d’un revers de main.
Mais comment faire, quand on est un élu de terrain, conscient des nouveaux enjeux liés à cette sensibilité dans le débat de société, et par ailleurs confronté chaque jour à la réalité. Car assez souvent, les deux ne font pas bon ménage. Comment concilier des idéaux vertueux et des enjeux locaux, économiques ou culturels.
La sensibilité animale s’est invitée partout.
Tout ne peut pas se régler d’un coup de baguette magique.
Dans les territoires, les interlocuteurs sont souvent des professionnels, des éleveurs ou des patrons de filière, des femmes et des hommes qui se battent d’abord pour maintenir leur activité économique. Quand il est question par exemple d’interdire le gavage des canards et des oies, ce sont des emplois qui se trouvent menacés. Et quand des volailles « de plein air » se retrouvent contaminées par le virus Influenza H5N8, comme en novembre 2020, la préfecture exige l’euthanasie de tout l’élevage, avec les conséquences que l’on peut imaginer au niveau local.
Et puis il y a le poids de la tradition et de la culture locale. Ainsi, pour certains, la corrida est une sauvagerie, pour d’autres, elle est un art à part entière et la tauromachie permet de faire perdurer l’espèce. Les arguments des uns comme ceux des autres sont légitimes, mais irréconciliables. Comme sur certains sujets – notamment les plus médiatiques –, la chasse à la glu ou la chasse à courre par exemple. Et dans ces cas-là, les élus, pointés du doigt au moindre faux pas, se retrouvent en porte à faux entre deux visions du monde qui s’affrontent. Le vrai enjeu reste donc de ne pas opposer les uns aux autres, et de privilégier le dialogue.