La condition animale, enjeu (politique) de société
Hier oubliée, voire négligée dans le débat politique, la condition animale s’est imposée comme un enjeu majeur de société, qui touche à de nombreux secteurs. Au point que tout aille désormais très vite, et que les textes de loi doivent être aménagés.
Aujourd’hui, quand une caravane de cirque arrive dans une ville, la mairie frémit à l’idée qu’il puisse y avoir des spectacles d’animaux captifs, et donc maltraités aux yeux des associations qui veillent au grain et le feront savoir par tous les moyens. Quand un abattoir peu scrupuleux sur ses méthodes d’abattage voit surgir sur des réseaux sociaux une vidéo tournée dans ses locaux, il sait qu’il va devoir affronter une crise majeure. Quand le grand public apprend qu’une marque de cosmétique propose dans sa gamme de rouge à lèvres des produits réalisés à partir d’expérimentation animale, la campagne de boycott ne tarde jamais.
Les élus sont sans cesse confrontés au sujet.
Dans tous les champs sociétaux, politiques et économiques, la condition animale est au cœur du débat, et celui-ci est souvent passionné. A l’échelle nationale ou locale. Pas une semaine ne passe sans qu’il soit question d’une « affaire » ayant trait à la maltraitance animale. Les cas de cruauté, encore passés sous silence il y a quelques années, font désormais immédiatement l’objet d’articles dans la presse, et ils sont parmi les plus relayés sur les réseaux sociaux, qui raffolent de vidéos clandestines tournées par des associations voyant là un moyen de faire entendre leur cause. Longtemps, la cause animale n’était pas un sujet. D’ailleurs, l’animal lui-même était considéré comme un objet, il était loin d’entrer dans le champ d’intérêt des citoyens et de leurs représentants. La loi le définissait au même titre qu’un meuble appartenant à son propriétaire, et ce n’est qu’à la veille du nouveau millénaire, en janvier 1999, que le code civil sera modifié pour que les animaux ne soient plus « des choses ». Le vrai changement n’intervenant qu’en 2015, avec la loi reconnaissant l’animal comme « un être vivant doué de sensibilité ». Assez récemment donc, les choses ont évolué, qu’il s’agisse de la prise de conscience du grand public ou du cadre de la loi, même si, en la matière, la Commission de Bruxelles rappelle très régulièrement la France à l’ordre quand elle ne respecte pas les directives européennes. Pourquoi l’opinion publique a-t-elle à ce point évolué, et poussé les acteurs politiques et économiques à devoir s’emparer du sujet ? Parce qu’une véritable « révolution sociétale » s’est propagée dans tous les secteurs. Partout, on voit des militants s’insurger, plus ou moins radicalement, sur la manière dont l’animal était traité jusqu’ici. On ne veut plus d’animaux dans les spectacles, plus aucune forme de chasse, aucun élevage à des fins d’expérimentation, pas d’abattage rituel, ni de gavage… et de véritables courants idéologiques s’imposent dans la société. Hier, on entendait la voix des végétariens, puis sont venus les végétaliens, les véganes, et maintenant les antispécistes qui considèrent que l’animal est l’égal de l’être humain. Une posture idéologique caricaturale. Ces voix se sont faites entendre de plus en plus fortement ces dernières années, au travers d’associations telles que L214, connue pour diffuser ses vidéos chocs tournées dans des abattoirs, des personnalités médiatiques publiant des livres à succès, des bloggeurs et des militants habiles sur les réseaux sociaux, partageant leur combat en faveur de la cause animale, ou des formations politiques comme le Parti animaliste, réunissant près de 500 000 suffrages aux élections européennes de 2019. Voire un RIP, un référendum d’initiative populaire, lancé à l’été 2020 et réunissant des milliers de signatures réclamant notamment la fin de l’expérimentation animale et celle des élevages destinés à la fourrure. Parfois, les propos étaient excessifs. Souvent, ils étaient nécessaires. Et ont eu le mérite de faire avancer les choses. Aujourd’hui, les élus locaux sont sans cesse confrontés au sujet, qu’il s’agisse d’animaux errants, d’abandons, de chasse traditionnelle, d’élevage intensif… et n’ont pas toujours les moyens de faire face à une situation qui peut s’emballer si elle devient médiatique. Ces mêmes élus doivent faire face à une société divisée en des opinions parfois irréconciliables, comme une fracture sociologique entre « monde rural » et « idéologies urbaines ». Et la loi n’est pas toujours adaptée aux défis qui se présentent. C’était notamment l’un des enjeux de la loi contre certaines formes de maltraitance animale, adoptée en première lecture à l’Assemblée le 29 janvier dernier.