« Un fonds européen pour financer la décarbonation du transport maritime »
Comment l’Europe accompagne-t-elle la décarbonation du transport maritime ?
A chaque fois que l’UE a pris les devants, ça a poussé l’OMI (Organisation maritime internationale) à avoir plus d’ambition. En 2015, l’Europe a lancé le MRV (Monitoring Revision and Verification), une collecte de données des émissions de CO2 des navires. En 2018, l’OMI a mis en place son DCS (Data Collection System). La Commission Environnement a alors révisé le texte du MRV et proposé de faire entrer le shipping dans le marché du carbone européen. La rapporteure a proposé qu’une partie de la collecte finance un fonds de décarbonation du transport maritime. Nous l’avons baptisé Fonds Océan. Dans le MRV, nous avons aussi fixé des objectifs de réduction des émissions. Ambitieux, mais faisables si les armateurs mettent en œuvre un mix de solutions. Il y a des compléments véliques faciles à installer, et nous proposons de soutenir ces innovations avec le Fonds Océan.
Le Fonds Océan doit aussi aider à la restauration des écosystèmes. Est-ce une priorité ?
J’ai effectivement proposé qu’il ne soit pas qu’un fonds de décarbonation, mais qu’il participe à la restauration des écosystèmes marins.
J’ai pris ce mandat pour faire monter le niveau de la mer et trouver des accélérateurs.
Il y a une pertinence au regard de l’impact du shipping. Si ce Fonds Océan voit le jour, j’en serai très fière, mais le Conseil doit encore valider le texte final. De plus, dans le cadre du mécanisme d’inclusion carbone aux frontières, j’ai proposé un amendement pour surpondérer le transport passant par les écosystèmes fragiles comme l’Arctique.
Pourquoi la navigatrice que vous êtes a-t-elle mis le cap sur la politique ?
Je suis convaincue que notre avenir est en mer… à condition de pousser très loin le curseur de la durabilité. En 2008, le ministre de l’Ecologie m’a confié une mission en ce sens, puis j’ai participé au Grenelle de la mer, suis entrée au CESE, puis à la Délégation à la mer et au littoral… J’ai fini par accepter un mandat européen, car les choses avancent, mais pas à la vitesse que l’exigent les enjeux. Et je suis une Européenne convaincue. Que ce soit sur le sujet de la connaissance, de la préservation, d’une économie bleue durable ou de la gouvernance, tous trouvent leur levier d’action au niveau européen. J’ai pris ce mandat pour faire monter le niveau de la mer et trouver des accélérateurs de passage à l’action. J’amende tous les textes, comme la loi climat qui n’avait quasiment rien sur l’océan.
Quelle place pour l’océan aujourd’hui dans les négociations internationales ?
Au niveau européen, nous travaillons sur la gouvernance de l’océan. En parallèle, j’agis avec l’initiative Ocean as common, qui œuvre pour sa reconnaissance comme un bien commun au niveau des Nations unies. Depuis que le président de la République a reconnu l’océan comme un bien commun, c’est la ligne de conduite de la diplomatie française dans toutes les négociations. En 2014, j’ai participé à la création de la Plateforme Océan & Climat et nous avons réussi à faire entrer l’océan dans le préambule de l’accord de Paris, puis le Giec a produit un rapport spécial Océan que nous avions demandé. Cinq ans plus tard, il faut encore se mobiliser pour que la restauration des écosystèmes soit intégrée dans les contributions des Etats pour atteindre l’objectif climatique, mais ça progresse.