Voici venu le temps des énergies marines renouvelables
Le futur mix énergétique de la France est assurément lié aux énergies marines renouvelables (EMR) qui regroupent des technologies variées, à des stades de maturité divers.
En 2019, les EMR représentaient à peine 0,2 % (0,480 TWh) de la production primaire des énergies renouvelables en France (SDES – Service de la donnée et des études statistiques), mais elles sont un atout incontournable pour atteindre la neutralité carbone. Leur potentiel permettrait de porter à 42,9 % la part des énergies renouvelables d’ici 2023, contre 19,9 % en 2018. La publication de la feuille de route de la politique énergétique (PPE) en avril 2020 a permis de donner un horizon à la filière : elle prévoit l’attribution de 1 000 MW (1 GW) par an d’éolien en mer pour atteindre 5,2 à 6,2 GW en 2028. Cet éolien offshore représente l’immense majorité de la production électrique des EMR au niveau mondial, la technologie ayant atteint un stade commercial depuis deux décennies. L’Allemagne s’est engagée à 20 GW à l’horizon 2030. La Grande-Bretagne, elle, est la championne mondiale avec plus de 2 225 éoliennes au large des côtes pour une capacité de 10 GW et un objectif de 40 GW en 2030, annoncé en octobre par le Premier ministre Boris Johnson. L’objectif français est donc très en deçà de ceux de nos voisins.
Et pourtant… la France était pionnière des EMR avec l’installation en 1966 de l’usine marémotrice de la Rance. Située à l’embouchure de l’estuaire entre Dinard et Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), elle produit de l’hydroélectricité en utilisant la force de la marée. Une production équivalente à la consommation de 225 000 habitants. Au large de nos côtes, pour l’instant, aucun parc n’est encore en activité, mais sept parcs d’éolien posé offshore doivent être mis en service entre 2022 et 2027 : à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), Fécamp (Seine-Maritime), Île d’Yeu-Noirmoutier (Vendée), Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), Courseulles-sur-Mer (Calvados), Dieppe-Le Tréport (Seine-Maritime), Dunkerque (Nord). Et ça avance. Fin septembre a débuté la construction de la sous-station électrique du futur parc de Fécamp où 71 éoliennes doivent entrer en service en 2023 (500 MW), et la première nacelle du site de Saint-Nazaire (juin 2022) est sortie de l’usine. L’entreprise Ailes Marines prévoit un démarrage des travaux d’installation du parc éolien au large de la baie de Saint-Brieuc au cours du premier semestre 2021 ; le parc devant être pleinement opérationnel fin 2023. On estime l’énergie exploitable du vent marin en France entre 30 et 70 GW. La fourchette haute intégrant des projets d’installations d’éoliennes flottantes qui ouvrent des zones plus au large et plus profondes que les éoliennes posées. Quatre fermes pilotes sont en cours de développement, dont le projet Eolmed au large de Gruissan (Aude), dont Total est devenu actionnaire en 2020.
Dans les territoires ultramarins, on investit dans l’énergie thermique de la mer
Pour l’ensemble des autres EMR, le Syndicat des énergies renouvelables s’est fixé pour objectif à l’horizon 2030, 1 GW, soit 0,7 % de la production d’électricité. Ces autres énergies marines sont souvent au stade R & D, comme sur le site d’essais en mer de Centrale Nantes SEM-REV au Croisic avec la plateforme Wavegem® qui tire son énergie de la houle en convertissant les mouvements du flotteur en électricité ; ou au SEENEOH à Bordeaux, un site expérimental pour l’optimisation d’hydroliennes.
Sept parcs d’éolien offshore mis en service entre 2022 et 2027.
Une coalition pour la « transition écologique et énergétique du maritime » a été lancée en décembre 2019 aux Assises de l’économie de la mer, en partenariat avec l’Ademe (Agence de la transition écologique). Cette dernière soutient plusieurs initiatives, à l’instar du projet de Sabella qui compte déployer deux hydroliennes pour exploiter l’énergie cinétique des courants marins au large d’Ouessant (Finistère). L’hydrolien reste à un stade pré-commercial dans le monde ; pourtant les zones de courant sont bien connues et le potentiel exploitable est de 5 GW en France (100 GW dans le monde). Le projet Sarbacanne, lui, est un programme original de conversion de l’énergie osmotique, une solution de production d’électricité à partir de gradient de salinité. Dans les territoires ultramarins, on investit dans l’énergie thermique de la mer. A La Réunion, l’eco-techno port de Bois Rouge développera de nouvelles activités autour de la conversion d’eau profonde qui utilise le gradient de température entre les fonds et la surface. Les débouchés pour la production d’électricité et pour la climatisation sont associés à des co-activités telles que la désalinisation et la mise en bouteille d’eau des profondeurs ou la production de cosmétiques. La France semble donc décidée à rattraper son retard. Elle n’a rejoint qu’en 2016 l’organisation internationale Ocean Energy Systems par la voix de France Energies Marines, une coalition installée à Brest pour booster la compétitivité dans l’industrie des énergies marines renouvelables.
Un processus de concertation houleux
Ces éoliennes qui ne sont pas encore « sorties de mer » ne font pas l’unanimité. La défiance est forte à l’égard des pouvoirs publics jugés sourds notamment aux conclusions du débat public de Dieppe-Le Tréport qui avait déclaré la zone inappropriée. Un dernier recours européen (non suspensif) contre plusieurs projets a été lancé par un collectif de pêcheurs.