« La science est un outil pour aller de l’océan que nous avons vers l’océan que nous voulons »
L’élévation du niveau de la mer s’amplifie. Comment le projet Sea’ties s’inscrit-il dans cette urgence ?
Avec la POC, nous avons porté l’océan à la COP 21 (Conférence de Paris en 2015) pour le faire reconnaître en tant qu’acteur majeur du changement climatique ; puis auprès du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) pour avoir les moyens d’une connaissance sur les rapports océan-climat. C’est maintenant un troisième épisode : l’étape des solutions. Les scientifiques ont mis en évidence la vitesse d’élévation du niveau de la mer et, avec le projet Sea’ties, on veut comprendre comment les territoires, et en particulier les villes moyennes, peuvent y répondre. Ces territoires sont exemplaires par leur diversité de situation. Ils vont avoir à prendre leur destin en main par rapport à un événement dont ils n’ont pas la maîtrise, mais qui va leur demander de réfléchir et de partager des solutions. Sea’ties va permettre de co-construire des scénarios avec un réseau d’acteurs, qui ne sont pas les mastodontes des mégapoles, mais un kaléidoscope planétaire. Se mettre ensemble permettra de trouver des solutions d’adaptation particulières, efficaces et durables.
Comment améliorer le transfert entre les scientifiques, les gestionnaires et les usagers ?
Déjà, en ayant une boîte à outils, des bases de données, un état de l’art de ce que l’on connaît… Mais c’est surtout avec le dialogue. La POC est un facilitateur : nous donnons les conditions de ce dialogue et les moyens de partager les solutions. La vision de l’océan n’est pas encore intégrée dans les représentations des sociétés à venir. Donc ça, c’est quelque chose sur lequel il faut travailler. C’est aussi dans le contexte du développement durable et de l’économie circulaire que l’on peut imprégner les esprits de bleu. Par exemple, le focus sur la pollution plastique a permis de faire réaliser que tout ce que l’on jette finit à la mer. Et il faut absolument se concentrer sur l’éducation. Ce sont les enfants qui éduquent leurs parents à une écologie pour l’avenir.
Vous lancez aussi un plaidoyer pour un nexus océan-climat-biodiversité. Pourquoi ne peut-on plus les dissocier ?
L’océan, c’est un environnement et c’est de la biosphère, c’est cet ensemble qui régule le climat. Ce triptyque est le socle sur lequel nous nous appuyons.
Trouver des solutions d’adaptation particulières, efficaces et durables.
Par exemple, le Giec a commencé à analyser les impacts du climat sur les écosystèmes. Cette vision permet de voir la biodiversité en termes de durabilité et de connexion dans l’espace. Dans la stratégie des objectifs de développement durable des Nations unies, il y a l’objectif 14 qui est dédié à la vie dans l’océan. Et, dans ce contexte, il y a une opportunité importante avec l’Ocean Decade (Décennie pour les sciences océaniques) de l’Unesco. Elle promeut la démarche scientifique comme outil pour traduire les actions et aller de l’océan que nous avons vers l’océan que nous voulons. Je suis optimiste et je suis d’accord avec l’idée reprise par l’Europe et la Mission Starfish 2030 que ce n’est pas au bout de dix ans que l’on va trouver, mais avec des processus transformants. L’un des aspects majeurs de cette décennie à venir sera la connaissance de l’océan, que l’on appelle Ocean literacy : un pilier à développer et un moyen de transformation de l’imaginaire des individus.