Europe : Pays scandinaves : un emploi public de plus en plus privé
En Europe du Nord, la proportion d’agents publics dans la population active est parmi les plus fortes de l’OCDE. Mais la flexibilité prévaut sur la sécurité.
Danemark, Suède, Finlande, Norvège : quatre pays qui cristallisent la difficulté à définir de manière universelle et définitive les marqueurs d’un emploi public fort. Si les pays scandinaves ont tous historiquement opté pour un taux d’administration (nombre de salariés du public rapporté à la population) élevé, force est de constater que cette “densité” d’agents n’induit pas nécessairement les attributs que la culture française adosse à l’emploi public : sécurité, égalité, centralisation.
Le système de carrière a disparu, au profit d’un modèle d’emploi au poste.
Champion toutes catégories de l’OCDE pour son taux d’administration, le Danemark a recentré dès 2001 le statut de fonctionnaire autour de quelques fonctions régaliennes de l’État : police, justice, armée, administration pénitencière, haute fonction publique. Partout ailleurs, les agents de l’État recrutés depuis bientôt vingt ans le sont sous un statut de droit privé. Ces agents nouvelle génération, devenus très majoritaires aujourd’hui dans la fonction publique danoise, ne bénéficient pas de la sécurité de l’emploi et peuvent être licenciés au même titre et de la même manière que dans le secteur privé. Autre concession à la “libéralisation” de la fonction publique : l’ancien mode de rémunération, qui comportait un grand nombre de grades et d’échelons, a été supprimé. Plus de promotion automatique, le nouveau système a introduit la rémunération à la performance, sous forme de primes qui peuvent représenter jusqu’à 20 % de la paie.
Enseignants du public sous statut privé
Autre changement substantiel dans cette fonction publique danoise revisitée : le lancement en 2007 d’une « réforme qualité » visant à améliorer la satisfaction des usagers, simplifier les procédures administratives, mais aussi développer l’attractivité des emplois du secteur public. Au Danemark, les enseignants travaillant dans le cadre de l’école publique, s’ils ne sont pas au statut, gagnent environ 70 % de plus que leurs homologues français. L’évolution de la fonction publique en Suède s’est elle aussi calquée sur une volonté politique de flexibilité de l’emploi, sans doute avec plus de précipitation et de radicalité. Au milieu des années 90, la Suède traverse une grave crise économique. Son modèle social basé sur des impôts élevés peine à garantir la qualité des services rendus, tout en asphyxiant financièrement la population par une taxation toujours plus élevée. Le gouvernement de l’époque opte pour des coupes claires dans les effectifs publics et sur l’alignement de leur statut sur celui des salariés du privé. Le système de carrière a quasiment disparu, au profit d’un modèle d’emploi principalement axé sur le poste. Traduction dans les pratiques : retraite par points et capitalisation, licenciements, décentralisation, délégation des recrutements et des salaires. Aujourd’hui, un directeur d’école pilote la stratégie de recrutement de ses professeurs, dont les rémunérations sont définies à l’échelle de l’établissement. Mais, contrairement aux enseignants danois, les fonctionnaires suédois sont parmi les moins bien payés d’Europe (30 % de moins qu’en France).