La fonction publique peine à séduire
Les valeurs attachées à la mission de service public ont beau trouver un réel écho dans la société, la fonction publique doit composer avec un déficit d’image qui, à terme, pourrait avoir de vrais effets structurels.
Seize mois en sept ans. Entre 2010 et 2017, les agents de la fonction publique ont vieilli de plus de deux mois par an, leur âge moyen passant de 42,1 ans à 43,4 ans. Loin d’être anodine, cette tendance démographique interroge la capacité des employeurs publics à séduire, embarquer et fidéliser. Un autre indicateur vient renforcer la criticité de l’enjeu : la sélectivité des concours externes (rapport entre les nombres de candidats présents et admis) qui a enregistré en 2017 son niveau le plus bas depuis 2001. La fonction publique connaîtrait-elle un sérieux déficit d’image ? Rémunérations, conditions de travail, culture managériale : où en est-on vraiment ?
Salaires peu incitatifs pour les cadres
Côté rémunération, la comparaison entre secteurs public et privé, que ce soit en niveau ou en évolution, est toujours méthodologiquement délicate : différences en matière de composition des salaires bruts (notamment en ce qui concerne les primes ou les taux de prélèvements sociaux), de catégorisation socioprofessionnelle, d’ancienneté, de conditions de travail. Il est de coutume de considérer que le public “paie moins” que le privé.
Deux fois plus d’agressions verbales que dans le privé.
A bien des égards, cette perception est sans doute fondée. Il est certain que le niveau de rémunération dans la fonction publique n’avantage pas les recrutements surtout sur les emplois qualifiés, la concurrence du secteur privé sur ce sujet étant forte. Pour autant, si l’on raisonne en termes de moyennes – même si leur signifiance doit être pondérée par l’extrême variété des statuts et des situations – le salaire mensuel net moyen (hors bénéficiaires de contrats aidés) dans le public dépasse de 66 euros celui du privé. La dispersion des salaires est en outre moins étendue dans la fonction publique que dans le secteur privé (de même pour les écarts entre salaires féminins et masculins). Les agents de la fonction publique n’ont pas non plus à envier les salariés du privé en matière de durée du travail. D’après l’enquête Emploi de l’Insee, la durée annuelle effective du travail des salariés du public (hors enseignants) à temps complet, soit 79,2 % des agents, est de 1 640 heures en 2018 (1 728 dans la FPE, 1 596 dans la FPT), quand elle se situe à 1 708 heures dans le secteur privé.
Une culture managériale encore souvent lacunaire
La fragilité de l’emploi public en matière d’attractivité, sans doute faut-il la chercher du côté d’une dégradation des conditions de travail au quotidien, a fortiori dans les métiers en contact direct avec les usagers. Si l’on en croit la dernière grande enquête “Conditions de travail – Risques psychosociaux”, 24,3 % des agents de la fonction publique déclarent avoir subi une agression verbale de la part du public au cours des 12 derniers mois, soit deux fois plus que dans le secteur privé. Conséquence d’une qualité de vie au travail en souffrance ? Plus d’un agent sur trois (34 % dans la FPE et 37 % dans la FPT) a été arrêté pour des raisons médicales au moins une fois dans l’année. Si la plupart des observations convergent pour constater de réelles évolutions dans la gestion des ressources humaines, notamment à l’échelle des collectivités territoriales, le management dans la fonction publique demeure encore souvent lacunaire, ou ancré dans des schémas un peu “datés”. C’est aussi par ce chantier culturel que se gagnera la bataille de l’attractivité.