La performance, arlésienne des administrations
Sujet récurrent de débat, la logique de performance se heurte à de nombreux obstacles, culturels autant que méthodologiques.
Longtemps, la performance a été considérée comme une notion antinomique avec l’emploi public, tentative d’immixtion incongrue d’un “new deal management” incompatible avec les missions et les ressorts de fonctionnement des administrations. La mesure de la performance dans la gestion publique répond pourtant à un impératif démocratique, reconnu par les articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui établissent que « tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique (…) et d’en suivre l’emploi (…) » et que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».
La performance oui, mais laquelle ?
Mais de quoi parle-t-on en évoquant la performance de l’emploi public ? De la qualité du service rendu aux usagers ? De la sobriété budgétaire des organisations en place ? De leur capacité à s’ajuster aux exigences de productivité ? Autant de questions qui appellent des critères très divers, souvent hétérogènes.
Dans le public, ces objectifs sont majoritairement collectifs.
Et auxquelles le modèle même de management de la fonction publique ajoute une couche supplémentaire de complexité. La loi du 5 juillet 2010 relative à la modernisation du dialogue social a été la première à consacrer le principe d’une rémunération à la performance dans les trois fonctions publiques. « Il est très difficile de faire la part entre performance individuelle et performance collective. D’autant plus qu’une mesure de la performance est par essence indexée sur des objectifs. Dans la fonction publique, ces objectifs sont majoritairement collectifs », commente Luc Alain Vervisch, directeur des études à La Banque Postale. Toute démarche de performance renvoie à un dispositif de pilotage des administrations ayant pour objectif d’améliorer l’efficacité de la dépense publique en orientant la gestion vers l’atteinte des résultats dans le cadre de moyens prédéterminés. D’un strict point de vue économique, il ne faut pas oublier que la dépense publique ne sert pas d’abord à payer des fonctionnaires. Elle est majoritairement constituée de prestations sociales : retraites, santé, allocations familiales, chômage, RSA, etc. Autant de lignes de dépenses qui soutiennent massivement la consommation des ménages et donc, par ricochet, la production du secteur marchand.
Une évaluation lacunaire
Par ailleurs, l’application du critère de performance, au-delà même du périmètre qu’on veut conférer à cet objectif, appelle nécessairement un système d’évaluation. Or, malgré une injonction politique appelant depuis de nombreuses années à des systèmes formalisés de mesure, l’évaluation des politiques publiques reste lacunaire en France. « La mesure et l’analyse de l’efficience et de la performance de l’emploi public devraient être systématiques. Elles ne le sont pas, loin de là », confirme Luc Alain Vervisch, directeur des études à La Banque Postale. Si elle occupe de plus en plus de place dans la doxa politique, la notion de performance pourrait donc encore longtemps faire figure d’arlésienne.