Europe centrale : Une frontière très ténue entre emploi public et privé
Sans doute par souci de rupture avec l’étatisme totalitaire des anciens régimes, la Pologne, la Tchéquie et la Bulgarie ont opté pour des modèles d’emploi administratif très “ouverts”.
Si les réformes menées ces dernières décennies en Europe centrale et orientale relèvent de visées politiques propres à chaque pays, elles semblent véhiculer un même marqueur : le faible attachement des gouvernements en place pour l’administration. Une prise de distance qui s’explique sans doute en partie par une dépréciation de l’idée même d’État, trop associée à la facture autoritaire, voire despotique des anciens régimes ainsi qu’à leur échec économique.
Sur les 120 000 personnes que compte la fonction publique en Pologne, seuls 6 000 disposent du statut de fonctionnaires. En Bulgarie, les agents employés sous contrat, assujettis au droit commun du travail, représentent 53,9 % des personnels de l’administration. Quant à la Tchéquie, elle constitue l’un des rares pays où même le personnel de l’État ne relève pas d’un statut spécifique. Les droits et devoirs de l’ensemble des agents sont consignés dans le code du travail, au même titre que les employés du privé. Ils bénéficient de fait de la possibilité de percevoir des indemnités en cas de licenciement, peuvent contester les sanctions imposées par la hiérarchie et disposent du droit de grève (même si l’exercice de ce droit rencontre pas mal de freins).
Réversibilité des liens entre l’employeur et le salarié
La volonté de rupture avec une vision caricaturale de la bureaucratie et des pratiques de recrutement ultra-codifiées ont encouragé l’instauration de systèmes d’emploi plutôt “ouverts”, c’est-à-dire favorables à la contractualisation et à la réversibilité des liens entre l’employeur et le salarié, finalement assez proches des modes de gestion de l’emploi dans le privé. Ainsi, en Pologne, en Tchéquie et en Bulgarie, le recrutement des personnels administratifs n’est pas soumis à des concours centralisés.
Des systèmes assez proches des modes de gestion du privé.
Tout citoyen polonais doit pouvoir accéder aux informations concernant les vacances de postes grâce à la publication d’annonces au Bulletin de l’information publique et sur internet. En Tchéquie, Il n’existe pas de dispositions définissant les modes de sélection des agents publics, si ce n’est que, là aussi, tout recrutement doit faire l’objet d’une publication et d’un appel ouvert à candidatures. Déjà en 2010, une étude réalisée par l’entreprise de recrutement Monster montrait que les pays d’Europe centrale tels que la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Bulgarie étaient avec le Royaume-Uni ceux où le nombre d’offres d’emploi public sur internet était le plus important au regard du nombre total de fonctionnaires. Reste que ces marqueurs, plus proches en apparence des systèmes d’emploi “classiques” que des systèmes de carrières adoptés par une bonne partie des pays d’Europe occidentale, portent le risque d’une remise en cause des principes d’équité et de mérite. De même qu’ils interrogent les modalités de conception, d’évaluation et de contrôle des compétences individuelles.