Questions à… Myrtille Picaud, chercheur à la chaire Villes et numérique de Sciences Po
Y a-t-il beaucoup d’expérimentations en France ?
Elles sont peu nombreuses, notamment par rapport au Royaume-Uni où la reconnaissance faciale est utilisée par la police de Londres. Mais cette technologie pourrait arriver plus nettement dans l’espace public avec la Coupe du monde du rugby de 2023 et les Jeux olympiques de 2024, qui ont lieu en France. Il existe une très forte mobilisation dans ce sens chez les industriels, certains préfets et élus de collectivités locales.
Ces technologies ont un intérêt sécuritaire.
Les études montrent que la vidéosurveillance peut éventuellement servir l’enquête, mais qu’elle n’empêche pas les faits. Pour la reconnaissance faciale, le débat est le même : les entreprises vendent des projections non attestées. Or, une fois ces technologies installées, il est très difficile de revenir en arrière. Sans parler de leur coût démocratique.
Même si elles sont installées avec l’accord de la population ?
Une évaluation de la reconnaissance faciale de la police de Londres (Fussey et Murray, 2019) a montré que les personnes qui refusaient d’entrer dans la zone concernée ne pouvaient s’y soustraire qu’au prix de grands détours à pied, et sont suspectées puis contrôlées par la police. De plus, la reconnaissance faciale conduit à un sur-contrôle de populations déjà particulièrement ciblées. Ainsi un jeune homme noir, contrôlé une première fois par des policiers, l’a été à nouveau après avoir été reconnu à tort par le logiciel – peu fiable sur les visages noirs – comme étant une personne recherchée. Par ailleurs, sans véritable débat et dans le cadre d’un intense lobbying par les industriels, il est difficile de parler d’accord de la population.