Questions à… Philippe Latombe, député Modem
Pourquoi demander un moratoire sur la reconnaissance faciale ?
Ce moratoire ne concernerait pas la reconnaissance faciale « passive » qui débloque les téléphones portables, mais la reconnaissance faciale « active », qui permet de suivre quelqu’un dans une foule. Nous ne pouvons utiliser cette technologie sans déterminer ce que nous souhaitons en faire dans un cadre défini. Or nous multiplions les expérimentations, au risque de banaliser les usages et de créer un besoin. Ainsi, la CNIL avance que l’on pourrait utiliser cette technologie dans des limites temporelle et géographique, comme pour les Jeux olympiques de 2024. Ne mettons-nous pas le doigt dans l’engrenage ? Pourquoi ensuite ne pas l’utiliser lors d’un concert ou d’un match ?
Comment faire concrètement ?
Pour poser un cadre, il faut d’abord instaurer un moratoire. Puis, comme pour les lois de bioéthique, réunir techniciens et intellectuels au sein d’un comité d’éthique. Il faut aussi ouvrir la réflexion au grand public, comme l’ont fait les états généraux de la bioéthique. Aujourd’hui le sujet est préempté par des associations en pointe, mais inconnues des citoyens, qui ne font pas le poids face aux industriels et à certains gouvernants. Les citoyens doivent s’en mêler. Sur ce sujet, nous devons parvenir à une vision européenne, comme pour le RGPD, sinon nous nous ferons déborder par le numérique. Jusqu’où aller ? Voulons-nous un scénario à la chinoise avec des notes de crédit social ?
Ce scénario est-il un réel risque en France ?
Tout à fait. La Chine investit le continent africain qui pourrait bien adopter cette technologie. Si autour de nous, tout le monde l’utilise à des fins de contrôle social, cela se banalisera et insidieusement s’imposera à nous.