Grande-Bretagne : Le Royaume-Uni, champion des expérimentations
Largement équipé de dispositifs de vidéosurveillance et doté d’un cadre législatif permissif, le Royaume-Uni est le champion européen des expérimentations de reconnaissance faciale, malgré des résultats décevants.
Avec ses 630 000 caméras de vidéosurveillance, Londres est un terrain de jeu idéal pour la reconnaissance faciale. Depuis plusieurs années, la capitale voit en effet se multiplier les expérimentations, menées notamment par le Metropolitan Police Service, dans la station très fréquentée de Stratford ou encore lors du carnaval de Nothing Hill. Pourtant les résultats sont souvent décevants, comme lors du carnaval de Nothing Hill en 2017 durant lequel 35 personnes ont été identifiées à tort comme étant « recherchées ».
Plus de 70 % des identifications sont des erreurs.
Et les algorithmes ne semblent pas s’améliorer avec le temps, puisqu’une des dernières expérimentations, en février 2020, a aussi tourné au fiasco. Installée dans le quartier très fréquenté d’Oxford Circus, à la sortie du métro, une camionnette équipée de la reconnaissance faciale a scanné des milliers de visages à la volée pendant une journée. L’objectif était de comparer les visages filmés avec un fichier de personnes recherchées pour crimes violents. Sur les 8 600 personnes dont le visage a été capté, huit ont été reconnues comme faisant partie de ce fichier, mais sept d’entre elles l’ont été à tort…Soit près de 90 % d’erreur.
Un usage banalisé de la reconnaissance faciale
La police galloise utilise aussi largement la reconnaissance faciale, à l’entrée des concerts ou au cours de matchs de football. Mais son utilisation suscite de nombreuses critiques. Le rapporteur de l’ONU sur la vie privée ou encore l’autorité britannique de protection des données ont déjà fait part de leurs réserves. Sans parler d’une étude de l’université de Cardiff entre juin 2017 et mars 2018 révélant que plus de 70 % des identifications réalisées par le dispositif de reconnaissance faciale étaient des erreurs. Dernier coup de semonce en date : la cour d’appel de Londres a estimé en août dernier que l’usage de cette technologie par la police galloise empiétait trop sur la vie privée. Les juges étudiaient la plainte d’Ed Bridges, un militant pour les droits civiques, qui accusait la reconnaissance faciale d’être discriminatoire et contraire aux lois sur le respect de la vie privée. Son visage avait été scanné à Cardiff lors de ses courses de Noël en 2017 et au cours d’une manifestation en 2018, par un dispositif comparant les visages captés avec une « liste de surveillance » incluant suspects, personnes disparues, ou « présentant un intérêt ».
Une utilisation sans cadre clair
Sans remettre en cause la technologie elle-même, les juges ont critiqué le manque de cadre : « Trop de choses sont laissées à l’appréciation de chaque officier de police », ont-ils estimé, critiquant par exemple l’absence de consignes claires sur les lieux où cette technologie peut être utilisée, ou encore les critères selon lesquels est construite la « liste de surveillance ». Autre critique : les biais racistes et sexistes des algorithmes, ainsi que le manque de précaution concernant la protection des données. Cette décision de justice est « une victoire majeure » selon l’ONG « Liberty », mais pour Caroline Lequesne-Roth, juriste spécialisée dans les nouvelles technologies, « le jugement de Cardiff est loin de remettre en cause la reconnaissance faciale, il demande seulement davantage de garanties pour l’utiliser ».