Une pression pour étendre l’usage sécuritaire de la reconnaissance faciale
En France, la police et la gendarmerie ne peuvent pas utiliser la reconnaissance faciale en temps réel dans l’espace public. Seule la reconnaissance faciale a posteriori est autorisée via la comparaison d’images d’une enquête avec le traitement des antécédents judiciaires (TAJ), fichier contenant les photographies de plus de 8 millions de personnes. La reconnaissance faciale est aussi utilisée par le dispositif PARAFE aux passages de frontières : la photographie de la personne est comparée avec celle de son titre d’identité.
La fin de l’anonymat ?
Circonscrite, cette technologie n’en garde pas moins un « potentiel de surveillance inédit » comme alerte la CNIL : « Les systèmes de reconnaissance faciale peuvent s’interfacer avec de nombreux dispositifs vidéo. Or de très nombreux dispositifs de captation d’images sont dorénavant intégrés dans notre quotidien.
On attend encore le livre blanc 2020 de la sécurité intérieure.
Tous ces objets peuvent ainsi potentiellement devenir des supports d’une surveillance sans précédent ». C’est également la crainte de l’association La Quadrature du Net qui dénonce notamment la création du fichier TES, fusionnant les fichiers de cartes d’identité et de passeports. « Ce fichier, dont l’accès par la police a été grandement étendu après la loi Renseignement, regroupera les photographies de l’ensemble de la population française. Cela pourrait permettre à la police d’aller beaucoup plus loin dans son utilisation de la reconnaissance faciale et de procéder ainsi à une réelle surveillance biométrique de masse. »
L’échéance des Jeux olympiques de 2024
Du côté des forces de l’ordre, la tentation est grande en effet chez certains d’étendre la reconnaissance faciale à d’autres fichiers, notamment ceux des personnes recherchées et des ressortissants étrangers. Et, face à la menace terroriste, certains politiques, comme Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur, devant les sénateurs en septembre 2019, invitent à ne pas avoir « des pudeurs de gazelle » : « Lors de l’attentat à Lyon [en mai], nous avons identifié l’auteur par le biais de la vidéoprotection. L’événement a eu lieu à 16h30, mais il a été interpellé le lendemain, le temps qu’une trentaine d’enquêteurs regardent image par image l’ensemble du réseau pour refaire son parcours. Avec un système d’intelligence artificielle, quinze minutes après, on aurait su où il était allé. » La pression est forte, notamment à l’approche des Jeux olympiques de 2024, qui auront lieu en France, et qui sont dans toutes les têtes. On attend encore le livre blanc 2020 de la sécurité intérieure, en cours de rédaction au ministère, dans lequel pourrait figurer la possibilité d’expérimenter la reconnaissance faciale en temps réel.
Des futures technologies sur-mesure
Adapter la reconnaissance faciale aux besoins des forces de l’ordre : c’est l’objectif de plus d’une dizaine de projets menés ces dix dernières années, selon un décompte du Monde. Financé par l’Agence nationale de la recherche, le projet Kivaou, par exemple, veut développer un « outil de surveillance embarqué permettant d’indexer au fil de l’eau les passants et d’enregistrer leur biométrie faciale ».