Un marché prometteur ou une bulle passagère ?
Ces trois dernières années, le marché de la reconnaissance faciale a augmenté de 20 % par an, et vaudra 9 milliards de dollars d’ici 2022, d’après l’entreprise d’analyse Market Research Future. Une croissance captée par les entreprises chinoises, dominantes, mais aussi japonaises et américaines. « Encore peu identifiées, les entreprises israéliennes et russes sont aussi très avancées dans ce domaine, et investissent les régions du Caucase et d’Asie centrale », affirme Steven Feldstein, chercheur au think tank américain Carnegie et auteur d’un rapport sur l’expansion de la surveillance par l’IA (septembre 2019). En France, des géants comme Thalès et Idemia sont dans la course. Avec 2,3 milliards de chiffre d’affaires et 15 000 employés dans le monde, Idemia a des clients dans 180 pays, dont près de 2 000 institutions financières, et l’aéroport de Changi à Singapour.
L’envolée du marché de la surveillance
L’Asie-Pacifique serait la région la plus prometteuse pour ces prochaines années, car « son fort taux de criminalité encourage les investissements en équipements de surveillance », selon MarketsandMarkets. La reconnaissance faciale est en effet portée par un marché de la surveillance qui a le vent en poupe : « Il y a des manifestations partout dans le monde, du Liban au Chili et à l’Irak, et beaucoup de gouvernements, démocratiques ou autocratiques, sont dans des positions difficiles.
Le marché de la surveillance a le vent en poupe dans le monde entier.
Cette technologie leur permet de riposter aux mobilisations politiques », analyse Steven Feldstein. Selon son rapport, au moins 64 pays incorporent activement de la reconnaissance faciale dans leurs programmes de surveillance. Autre levier de croissance pour cette technologie : son utilisation commerciale pour identifier l’âge et le sexe des acheteurs, voire leurs émotions, et ainsi affiner les stratégies marketing. Sans parler des incessantes avancées technologiques, tel le machine learning ces dernières années et peut-être, dans les années à venir, la reconnaissance faciale 3D.
Des géants du numérique suspendent leur vente
Mais le Covid et le port généralisé du masque ont marqué un coup de frein pour le secteur. Sans compter les critiques de plus en plus nombreuses concernant le manque de fiabilité de cette technologie, voire son inefficacité sur les visages noirs et féminins. Après le mouvement BlackLivesMatter qui s’insurgeait notamment contre les discriminations policières envers les personnes noires, Amazon, IBM et Microsoft ont annoncé la suspension de la commercialisation de leurs logiciels de reconnaissance faciale aux forces de police américaines. Alors que les citoyens se rebiffent et que certains Etats travaillent à une régulation plus forte de cette technologie, l’avenir du marché de la reconnaissance faciale ne sera peut-être pas aussi brillant qu’annoncé.
La Chine équipée par des sociétés européennes
Dans un rapport de septembre 2020, Amnesty International dénonce l’exportation, par des entreprises européennes, de technologies de surveillance à la Chine. L’entreprise française Idemia a vendu un système de reconnaissance faciale au bureau de sécurité publique de Shanghaï, « qui a pour tâche de déployer la surveillance de masse », selon l’association.