« Des expérimentations à grande échelle sont urgentes »
Quel regard portez-vous sur la reconnaissance faciale ?
Cette technologie est déjà présente dans notre vie quotidienne, pour déverrouiller son téléphone portable ou accéder à son compte en banque. Néanmoins, il s’agit d’une technologie qui modifie la société, il est donc important que le sujet soit l’objet d’une consultation citoyenne, sur le format des états généraux de la bioéthique. En parallèle, je souhaiterais déposer prochainement une proposition de loi d’expérimentation pour tester cette technologie pendant 3 ans, sur un large territoire et dans un cadre donné. En effet, des expérimentations sur des volumes importants de données et de personnes sont urgentes, afin de répondre aux nombreuses questions que se posent les collectivités, concernant les dispositifs à utiliser, les limites à instituer, les financements possibles, les éléments de souveraineté à introduire lorsque les logiciels viennent de l’étranger, etc. Ces dernières sont très sollicitées par des prestataires étrangers qui leur proposent des offres de reconnaissance faciale. Elles ont besoin de repères sur ce marché qui se développe.
Pourtant, certains demandent plutôt l’instauration d’un moratoire surcette technologie parfois jugée biaisée et peu fiable.
Cette option manque de courage. En effet, nous n’avons aujourd’hui aucun élément permettant d’évaluer si cette technologie est trop intrusive ou de déterminer les lignes rouges. Il nous faut d’abord expérimenter afin d’éviter de légiférer sans idée de l’impact de nos lois.
Les collectivités sont très sollicitées sur des offres de reconnaissance faciale.
Le temps presse à l’approche de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux olympiques de 2024 qui auront lieu en France : il s’agit de deux terrains intéressants pour des mises en place de la reconnaissance faciale sur de grandes échelles. Les industriels sont déjà très mobilisés. En outre, il n’existe pas d’éléments probants permettant d’affirmer que la reconnaissance faciale introduit davantage de biais qu’une personne humaine. Les biais des agents de police municipale chargés de choisir quelles personnes observer avec des outils de vidéo-protection sont terrifiants !Un logiciel permettrait de corriger ces biais. Enfin, notre évaluation de la reconnaissance faciale ne peut se baser sur les expériences américaines ou chinoises. Il nous faut l’expérimenter dans notre cadre européen, avec des données de visages européens. Il est également nécessaire, comme le préconise Cédric Villani dans son rapport sur l’intelligence artificielle, de trouver un moyen de certifier des algorithmes éthiques et transparents.
Quelle est l’utilité réelle de la reconnaissance faciale ?
Son utilisation pour gérer des flux dans des aéroports, des stades ou lors de grands événements est un vrai avantage pour gagner du temps, ou, par exemple, pour faciliter l’accès des aéroports aux personnes handicapées avec l’ouverture automatique des portes lorsque les portiques reconnaissent le visage. Dans le cadre sécuritaire également, la reconnaissance faciale est un atout indéniable, dans un cadre précis bien sûr. Elle est aussi utile dans le domaine médical, par exemple pour ajouter un verrou supplémentaire permettant de vérifier l’identité d’un patient et de réduire les erreurs médicales. Autre exemple : avec le consentement de sa famille, une personne souffrant de la maladie d’Alzheimer pourrait également être retrouvée plus facilement dans les rues de sa ville, en cas de besoin, grâce à cette technologie.