« Le pari du marketing territorial est arrivé au bout de sa logique »
Comment fonctionne l’articulation entre les différentes politiques culturelles des collectivités ?
La situation est très disparate selon les territoires, les relations entre les politiques régionales, celles des métropoles et des villes sont différentes selon les élus. Ce sont souvent les relations interpersonnelles plutôt qu’institutionnelles qui permettent de porter un dossier en commun. Nous essayons à la demande des acteurs culturels de ne pas leur imposer des exigences supplémentaires par étage de financeur. Le CTC (conseil des territoires pour la culture) pourrait devenir un espace facilitateur des coopérations entre collectivités. L’instance nationale a été décentralisée en mai dernier au niveau des régions.
Vous estimez que la crise a favorisé cette concertation ?
Avec la pandémie, les coopérations ont été renforcées, nous avons décliné nos aides de concert : le volet culturel a bénéficié d’un fonds de la région AURA de 32 M€, la métropole de Clermont a apporté sa contribution de 3,5 M€ tout en maintenant les subventions àhauteur de 7 M€. On a su proposer des dispositifs complémentaires. Les coopérations étaient jusqu’ici aléatoires, la crise a imposé des obligations de concertation.
Pensez-vous que les collectivités entendent les attentes des artistes ?
C’est la décentralisation qui a permis de faciliter la structuration des métiers, notamment par les filières. À France urbaine, nous rencontrons régulièrement les institutions représentatives des acteurs culturels. Aujourd’hui, le pari du marketing territorial, du rayonnement, est arrivé au bout de sa logique.
Penser enrichissement des hommes plutôt qu’enrichissement du territoire.
Les collectivités ont longtemps pensé qu’il fallait, dans une logique de compétition entre territoires, s’arracher les plus grandes manifestations. Ce qui avait pour effet d’exclure les petites compagnies. Mais nous avons moins d’argent et cette course infernale va être freinée. La société va nous demander de répondre à des enjeux plus durables : l’éducation artistique, le travail social. Nos politiques doivent être plus enracinées. Il faut se poser la question de l’évolution de la pratique amateur, de l’éducation populaire, qui depuis une vingtaine d’années souffre d’un sentiment d’abandon.
S’il fallait mettre en avant une action sur votre ville, Clermont-Ferrand ?
On peut parler de « Mille Formes », centre d’initiation et espace d’expérimentation dans lequel les tout-petits (de zéro à six ans) ont pu être en contact avec la création contemporaine sous toutes ses formes. Ce fut une grande réussite. Nous nous sommes appuyés sur un label national, le Centre Beaubourg. On a inversé les priorités en faisant d’abord quelque chose pour les habitants qui ensuite bénéficie au territoire. Notre enjeu en matière de culture est notre candidature de 2028 pour devenir capitale européenne de la culture. Après une époque de grands événements avec les villes de Paris, Lyon ou Marseille, le temps est venu d’être moins dans une logique de grand show que dans celle d’un enracinement dans le territoire. Ce sera pour nous une opportunité d’avoir une attention particulière à l’émergence de nouvelles façons de fédérer les acteurs culturels.