« Le processus institutionnel des clusters pose trop de limites à l’innovation des acteurs »
Vous avez consacré en 2017 votre thèse de doctorat aux clusters de musique actuelles. Comment les définissez-vous ?
Souvent créé à l’initiative des collectivités locales, le cluster est un regroupement d’entreprises de même secteur dans un objectif d’innovation. L’économie de la culture, avec une baisse des aides publiques et des marchés de plus en plus axés sur des grosses structures, est fragile ; les clusters qui visent à mutualiser les moyens et les hommes devraient apporter une réponse adaptée. En 2017, ils étaient une dizaine dans le secteur de la musique actuelle, leur nombre n’a pas vraiment varié.
Pourquoi les motivations des collectivités locales ne permettent pas à ces clusters de réussir leur mission ?
Les collectivités sont dans une dynamique de développement de territoire. Le fait de réunir dans un même bâtiment des acteurs culturels devrait permettre des collaborations pour mieux articuler les métiers, se positionner sur des marchés de niches… mais dans les faits, cela ne fonctionne pas.
Les grosses structures captées dans les clusters sont coupées de leur réseau.
Une collectivité, le plus souvent une métropole ou une région, s’appuie avant tout sur les grands acteurs du secteur, des structures qui ont entre 20 et 30 ans d’existence et qui ont un réseau très construit, de véritables pôles de ressources fixes. C’est ce vivier d’entreprises, d’associations et de collectifs informels qui sont sources d’innovation et qui agissent sur des cultures émergentes. Les grosses structures captées dans les clusters sont coupées de leur réseau et leur influence en est restreinte. C’est ce qui explique la fermeture de certains de ces clusters.
Vous constatez aussi que les responsables de clusters se trouvent démunis, sans interlocuteur référent, n’est-ce pas ?
Dans ces projets territoriaux, que ce soient des clusters ou des quartiers créatifs, les acteurs qui avaient jusqu’alors des interlocuteurs en charge de la culture sont intégrés dans des logiques plus larges d’innovation et d’aménagement. Les soutiens financiers sont délégués à des structures privées ou publiques comme une SEM d’aménagement dont le cœur du métier n’est pas la culture. Si ces clusters peuvent se révéler être des réussites pour les collectivités, ils ne le sont pas pour la culture.
Peut-on tout de même trouver des recettes pour la réussite de ces structures ?
On peut bien entendu arriver à une dynamique de territoire créatif tout en prenant en compte la spécificité de la culture. C’est le cas à Clermont-Ferrand avec le Damier. La structure, PTCE, a été créée à l’initiative de la région. Les acteurs culturels ont réfléchi avec la collectivité, observant les clusters existants et définissant leurs besoins. Ce projet a allié les attentes de l’agglomération et des territoires périphériques et une offre de services pour les professionnels. L’idée n’a pas été de créer un lieu unique et l’association préexistante, le Damier, est restée maître du jeu. Il ne faut pas tomber dans le piège de traiter la culture comme un autre secteur économique. Les clusters ont tendance, si l’on n’est pas vigilant, à fermer les territoires de création et à étouffer les artistes. La question étant au final : qu’est-ce qu’on demande à la culture ?